Les voix hostiles à l’implémentation du règlement antidéforestation se faisaient pressantes, elles ont été entendues. Ce mercredi 2 octobre 2024, la Commission européenne a décidé de lâcher du lest et de reporter de douze mois sa mise en application. Initialement prévue pour la fin de décembre 2024, elle sera finalement en vigueur le 30 décembre 2025 pour les plus grandes entreprises et juin 2026 pour les micro- et petites entreprises.

Soja, boeuf, huile de palme concernés

Concrètement, les importations en Europe ne seront plus possibles pour les produits issus de zones déforestées après décembre 2020. Dans la liste des produits concernés, le soja, la viande de bœuf, le café ou encore l’huile de palme. C’est une première victoire pour les nombreux détracteurs du texte qui reprochaient en premier lieu les difficultés administratives pour le mettre en place et la possible perte de compétitivité de certaines filières. Au sein de l’Union européenne, l’Allemagne s’était particulièrement inquiétée de l’approche de l’échéance, mais elle n’est pas seule.

Pas une remise en cause

« Les partenaires mondiaux ont exprimé à plusieurs reprises leurs inquiétudes quant à leur état de préparation, plus récemment lors de la semaine de l’assemblée générale des Nations unies à New York », a déclaré la Commission dans un communiqué. Un report, mais pas de remise en cause du texte pour la Commission qui le précise. « La proposition d’extension ne remet en aucun cas en cause les objectifs ou le contenu de la loi, tels qu’ils ont été convenus par les colégislateurs de l’Union européenne », a-t-elle déclaré. Ce report devra toutefois être encore validé par les États membres et le Parlement européen.

La FNB regrette ce report

Parmi ces « partenaires » figure notamment le Brésil, très préoccupé par un texte qui vient percuter sa propre législation sur la déforestation et trop difficile à appliquer en l’état. Les États-Unis avaient également souligné la complexité de cette réglementation pour leurs filières et avaient même demandé plus de temps à la Commission européenne au printemps dernier. Reste que ce report sera bien vu par les pays du Mercosur alors que la négociation avec la Commission pour finaliser l’accord de libre-échange semble avancer comme jamais.

Une stratégie fustigée par la Fédération nationale bovine (FNB) et son président Patrick Benezit qui juge dans un communiqué une Commission « plus intéressée par la conclusion de l’accord de libre-échange avec les pays du Mercosur » au détriment des producteurs. La FNB regrette le report rappelant que « ce règlement, plébiscité par les citoyens européens, et par les éleveurs bovins allaitants français, a pour objectif de réduire les impacts du commerce international sur le climat ».

Une décision « sage » pour les fabricants d’aliment

Si les pays exportateurs étaient au front contre l’application de cette réglementation, ce sont d’abord les industriels européens qui avaient la charge de mettre leur chaîne d’approvisionnement en conformité. Et dans ce registre, la filière de l’alimentation animale était particulièrement concernée, notamment via ses achats de tourteaux de soja. Interrogé par La France Agricole, Nicolas Coudry Mesny, président d’Eurofac, qui regroupe les industriels de l’alimentation animale français (Snia) et La Coopération Agricole nutrition animale, juge que la « décision de la Commission est sage » et s’en explique. « Il y avait un attentisme de la part de la Commission, avec des absences de réponse depuis de nombreux mois sur des compléments d’informations pour la bonne application du texte », estime-t-il. « Ce manque de clarté nous amenait petit à petit droit dans un mur. Plus on s’approchait de la date d’échéance, plus on voyait que nos filières d’approvisionnement n’allaient pas pouvoir être prêtes. Donc ça nous permet d’éviter un risque de rupture », explique-t-il.

Le sujet de la déforestation n’est pas pour autant tabou, selon Nicolas Coudry Mesny, qui rappelle les propres engagements de la filière en la matière. « Nous avons un engagement de n’utiliser que des sojas 100 % non déforestés en 2025, précise-t-il. Ça ne diminue pas notre engagement. Par contre, il faut que l’on travaille d’arrache-pied pour que cette réglementation soit cohérente et applicable. Telle que cette réglementation était appliquée, avec le nombre d’incertitudes qu’elle générait, nous aurions eu un surcoût de 5 à 10 % des sojas en Europe. »