Les États-Unis ont demandé à l’Union européenne de reporter l’application, prévue à la fin de l’année, d’une réglementation anti-déforestation en raison des difficultés des producteurs américains pour s’y conformer, a indiqué Bruxelles ce jeudi 20 juin 2024. Cette pression s’ajoute aux vives inquiétudes de pays africains, asiatiques et sud-américains, mais également de plusieurs États européens qui s’alarment des charges pour leurs propres agriculteurs, éleveurs et exploitants forestiers.
Résoudre les « défis critiques » des agriculteurs américains
Cette législation, finalisée à la fin de 2022, interdit à partir de la fin de 2024 la commercialisation dans l’Union européenne d’une série de produits (cacao, café, soja, huile de palme, bois, viande bovine, caoutchouc, cuir, ameublement, papier…) s’ils proviennent de terres déboisées après décembre 2020.
Les entreprises importatrices, responsables de leur chaîne d’approvisionnement, devront prouver la traçabilité via des données de géolocalisation fournies par les agriculteurs, associées à des photos satellitaires.
Selon le Financial Times, les secrétaires d’État américains au Commerce, Gina Raimondo, et à l’Agriculture, Thomas Vilsack, ainsi que la représentante américaine au Commerce Katherine Tai, ont envoyé fin mai une lettre à la Commission européenne pour demander le report de la mise en œuvre du règlement jusqu’à la résolution des « défis critiques » rencontrés par les producteurs américains pour s’y conformer.
Bruxelles se justifie
« Nous pouvons confirmer avoir reçu la lettre, nous répondrons en temps utile », a indiqué à l’AFP un porte-parole de la Commission.
« Nous travaillons activement en étroite collaboration avec toutes les parties prenantes pour préparer l’application. La Commission suit constamment la situation, travaillant dur pour garantir que toutes les conditions soient réunies pour une mise en œuvre harmonieuse », a-t-il ajouté.
Outre le soja, les exportations américaines les plus concernées sont le bois et le papier, un secteur jugeant très compliquées les nouvelles règles en raison de sources d’approvisionnement multiples de pâte à papier.
Des inquiétudes sont largement partagées ailleurs dans le monde.
Des ministres européens sur la réserve
Le commissaire européen à l’Environnement, Virginijus Sinkevicius, s’était rendu en mars au Paraguay, en Bolivie et en Équateur pour tenter de désamorcer les critiques de ces pays concernant l’impact redouté pour leurs exportations vers l’Union européenne et les difficultés techniques et financières pour les petits cultivateurs.
Il avait également visité en avril la Côte d'Ivoire, premier producteur mondial de cacao, où les cultivateurs s’équipent de cartes contenant des données numériques.
Dès 2023, la Malaisie avait fustigé une « barrière commerciale restreignant l’accès libre et non discriminatoire au marché » et réclamé un report des règles, n’excluant pas un recours devant l’Organisation mondiale du commerce (OMC), à l’unisson de l’Indonésie.
Les deux pays produisent à eux deux 85 % de l’huile de palme dans le monde, culture accusée par les défenseurs de l’environnement d’encourager la déforestation des forêts tropicales.
Au sein même de l’Union européenne, une vingtaine de ministres de l’Agriculture d’États membres, Autriche et Finlande en tête, avaient déploré au début d'avril « de nouveaux obstacles bureaucratiques » pour les agriculteurs, risquant de paralyser les investissements ou de « créer des distorsions de concurrence » au détriment des produits européens.
Tous les pays à « risque standard »
La législation prévoit que des contrôles ciblent au moins 9 % des produits venant de pays considérés à « haut risque » de déforestation, ceux de pays à « faible risque » bénéficiant de contrôles réduits et de procédures simplifiées.
Or, faute de classification déjà établie, la Commission pourrait considérer à la fin de décembre tous les pays comme à « risque standard ».
L’Union européenne est à l’origine de 16 % de la déforestation mondiale via ses importations, selon le WWF.