Des associations de producteurs du Brésil, du Paraguay et de l’Argentine ont joint leurs forces pour exprimer leur défiance face au règlement antidéforestation de l’Union européenne en vigueur depuis juin 2023. Ce règlement, qui sera appliqué progressivement, empêchera la commercialisation, l’importation ou l’exportation sur le sol européen de produits ayant entraîné de la déforestation.

Pour les associations signataires de ce manifeste, ce règlement n’est rien de moins qu’une mesure « protectionniste ». Réunies à Brasilia (Brésil) le 25 et 26 septembre 2023, ces puissantes fédérations de producteurs de soja et de maïs ont rassemblé leurs meilleurs arguments pour tenter de faire infléchir le bloc européen sur la question.

La méthode européenne critiquée

Pour exprimer ses griefs, le groupe se veut particulièrement offensif. « Le règlement viole la souveraineté des pays exportateurs, va au-delà des pouvoirs réglementaires de l’Union européenne et les place dans une position discriminatoire », dénonce-t-il. En clair, ce règlement européen vient directement s’imposer aux pays exportateurs, qui doivent déjà se conformer à leurs propres législations en la matière, selon eux.

« Nous sommes très mécontents de cette loi car nous obéissons déjà à des lois de protection de l’environnement beaucoup plus strictes ici dans nos pays, qu’en Europe elle-même », commente Ricardo Arioli, le président de la Commission nationale des céréales, fibres et oléagineux du Brésil.

Mais les attaques au règlement ne s’arrêtent pas là. « La classification des risques environnementaux, définie subjectivement et unilatéralement par ce règlement est inacceptable, car elle affecte l’image et la réputation des pays », argumentent les associations de producteurs qui n’y voient qu’un outil « punitif » et qui n’amène « aucune forme de reconnaissance pour la grande majorité des producteurs ruraux qui préservent l’environnement ». Cette idée sous-jacente que l’Europe paie pour les services environnementaux demandés aux pays producteurs, est d’ailleurs aussi un des arguments brandis par le Mercosur dans ses négociations.

« Une barrière commerciale déguisée »

Enfin, les associations de producteurs sud-américains pointent des objectifs cachés du règlement anti-déforestation. « Il y a eu une augmentation significative de l’adoption de mesures protectionnistes par certains pays importateurs qui invoquent les préoccupations environnementales comme justification », notent-elles. Et d’ajouter : « Ce règlement est une barrière commerciale déguisée en mesure environnementale et qui aura des impacts considérables sur les coûts de production, augmentera les prix des denrées alimentaires et provoquera une distorsion du commerce mondial ».

Une tournée d’influence en Europe

Cette initiative n’est pas isolée. Entre le 18 et le 22 septembre 2023, les associations représentant les principales filières agricoles brésiliennes ont effectué une tournée européenne pour plaider leur cause. Visant les pays ayant la plus « grande pertinence politique et commerciale » pour le Brésil, ces représentants sont passés par la Belgique, les Pays-Bas, l’Italie et l’Allemagne. Ils y ont notamment rencontré les représentants diplomatiques brésiliens sur place, mais aussi leurs principaux acheteurs.

« L’un des objectifs de la mission était de présenter des faits et des preuves qui prouvent que le Brésil préserve non seulement 66 % de son territoire sous forme de végétation originale, mais que seulement 8 % sont utilisés pour l’agriculture [plus les 21 % de pâturages NDLR], donc produire de la nourriture », plaide l’Aprosoja (Association des producteurs de soja du Brésil). De quoi s’assurer que le message atteindra bien les couloirs de Bruxelles.