« L’agriculture est victime de prédation. Non seulement des loups, mais aussi de toutes ces associations qui sont, en fait, de petites armées à recours contentieux contre les agriculteurs. Ce sont autant de petites armées qu’il faut décourager désormais parce que leurs actions découragent la production agricole », énonce le député de la Haute-Savoie, Antoine Armand. « Réveillons-nous avant que ce soit trop tard », renchérit Yves Fanton, vice-président du groupe de réflexion Les Z’homnivores qui organisait un colloque sur la sécurité alimentaire, le 14 mars 2024 dans les locaux de l’Assemblée nationale.
Intérêt général majeur
Comment faire ? « Il faut inscrire dans la loi que l’agriculture est d’intérêt général majeur », avance Antoine Armand. Ça semble un peu théorique de prime abord mais Carole Hernandez-Zakine, docteur en droit, explique les conséquences qui en sont attendues. « Ça permettrait de rééquilibrer les droits sans faire du droit de l’environnement une primauté sur tous les autres droits », indique-t-elle.
Depuis 1976, la protection de l’environnement a été déclarée d’intérêt général. « Mais ça ne voulait pas dire qu’elle était au-dessus de tous les autres droits », ajoute-t-elle. C’est après Rio’92, la conférence des Nations unies sur l’environnement et le développement de Rio en juin 1992, que le développement durable s’est infusé dans toutes les lois.
Petit à petit, l’agriculture et l’alimentation sont devenues une partie des questions environnementales. « Pour rééquilibrer, il faut rehausser le niveau d’intérêt de l’agriculture », prévoit-elle.
Avocat en droit pénal, Timothée Dufour y voit aussi un intérêt dans les affaires contentieuses dans lesquelles il intervient : « On retrouve les associations environnementales dans tous les contentieux. Elles se comportent comme des administrations préfectorales de substitution. » Carole Hernandez-Zakine rebondit : « Il faut sortir de la notion de bien et de mal. Ce n’est pas sur ce plan-là que ça se situe. Nous devons aller vers le droit. »
Agriculture durable
Et, justement, comment traduire cette volonté en termes juridiques ? La question se pose concrètement avec les premières esquisses de la loi d’orientation agricole qui commencent à circuler. Son article premier envisagerait de promulguer que « l’agriculture est d’intérêt général ». Pour Carole Hernandez-Zakine, la formule n’est pas bonne : « On risque ainsi de faire de l’agriculture un service public. Il faut faire attention aux mots. »
La juriste va encore avoir du grain à moudre. Toujours dans son premier article, la loi d’orientation agricole parlerait d’agriculture durable sans définir la durabilité. Cette responsabilité retomberait sur les bureaux des juges, sans, finalement, changer grand-chose à la situation actuelle.
Timothée Dufour pense même que le mot n’aurait pas dû apparaître : « Même si la durabilité est enlevée du texte final, on la retrouvera dans les décisions du Conseil constitutionnel ou dans les tribunaux administratifs parce que, à un moment donné, les juges seront obligés de la mettre en balance avec d’autres notions juridiques comme la liberté d’entreprendre, la protection de l’environnement, etc. »