La crise la lavande frappe de plein fouet l’exploitation de Clément Aude et de Malvina Malbec, située à Bonnieux (Vaucluse). Depuis 2022, les ventes de la fleur bleue, pivot de leur production, sont à l’arrêt. « Nous avons trois ans d’huile essentielle en stock, indique les deux jeunes agriculteurs. Résultat, notre chiffre d’affaires a diminué de moitié. » La récolte de miel leur a permis de résister, mais ils sont aujourd’hui contraints de trouver des alternatives.
Être accompagné
Clément et Malvina n’en sont pas à leur premier changement de braquet. Un an après leur installation en bio en 2014 sur 10 ha, dont 2 ha de lavande et de lavandin, ils décident de créer une activité de paysan boulanger. Mais après quatre ans, ils se résignent à arrêter cet atelier et, in fine, la production de céréales. « Si l’activité s’avère rentable, la charge de travail est intenable seul », estime Clément. La lavande se portant bien à cette période, la surface monte à 12 ha, pour une production annuelle d’un peu plus de 1 100 l d’huile essentielle. Parallèlement, Clément met en place 3 ha de triticale et de pois fourrager, destinés à l’élevage.

Mais en 2022, les cours de la lavande s’effondrent. « Il a fallu trouver des solutions, déclare-t-il. Les fourrages sont intéressants dans notre rotation axée sur l’agriculture de conservation des sols (lire l'encadré), mais ils ne nous permettent pas de gagner notre vie. Sans appui, c’est compliqué de rebondir. Par chance, nous avons pu nous rapprocher du réseau Agribio 04 et intégrer le groupe ABC Sud. Nous avons trouvé des conseils techniques, et nous avons échangé avec les autres agriculteurs. C’est ainsi que nous avons décidé de semer du tournesol sur les parcelles de lavande que nous aurions dû renouveler. »
Les premières plantations ont eu lieu en 2023. Elles s’étendent aujourd’hui sur 3 ha. Le tournesol est semé au printemps derrière le triticale et le pois fourrager, qui sont détruits au scalpel. Un mois avant les semis, Clément réalise trois passages au griffon pour créer un beau lit de semences. « Nous avons privilégié les parcelles qui ont accès à l’eau pour les irriguer à la plantation, expose-t-il. Nous produisons 10 q/ha en moyenne depuis le début, c’est plutôt satisfaisant en bio. » Jusque-là, un prestataire réalisait les semis. Cette année, le couple a investi dans un semoir monograine d’occasion, pour gagner en réactivité. Ils se sont aussi équipés d’une bineuse pour entretenir la culture au démarrage. La moisson en revanche continue d’être externalisée par manque de trésorerie.

Huile alimentaire
Les graines sont transformées en huile alimentaire, et conditionnées par un prestataire dans des bouteilles de 1 litre. Elles sont vendues 8 € l’unité, directement à la ferme et dans une dizaine d’Amap de la région. Les 900 litres produits l’an dernier ont pratiquement été écoulés. « Il y a réel un intérêt de la part des consommateurs, souligne Malvina. Cela permet de développer de nombreux arguments. » L’an prochain, 4 ha de lavande achèveront leur cycle de production. Une partie va être replantée avec du tournesol. « Nous réfléchissons à d’autres alternatives telles que le colza, ou la lentille associée à de la cameline », complète Malvina.
La lavande n’est pas totalement abandonnée, car elle reste utile pour les abeilles et la vente d’huile essentielle à la boutique qui demeure bien valorisée. Le renouvellement des plantations va toutefois être limité à 1 ha par an. Cette année, la rotation des cultures d’hiver a évolué. Le pois fourrager, victime des sangliers, a disparu au profit de la féverole en pur sur 2 ha, mais aussi dans le méteil. Sur une même surface, Clément a aussi semé de l’ers afin de valoriser les graines pour l’implantation de couvert. La luzerne a en outre pris le pas sur le sainfoin sensible à la sécheresse.