La Commission européenne et les pays membres « n’ont pas suffisamment exploité les instruments financiers et législatifs à leur disposition » pour garantir une gestion durable des sols. Telle est la conclusion du rapport de la Cour des comptes de l’Union européenne, publié le 10 juillet 2023. Celui-ci fait suite à un audit détaillé sur les mesures de la Pac et les actions liées à la gestion des effluents menées dans le cadre de la mise en œuvre de la directive nitrates (1).

Quelques jours plus tôt, la Commission européenne publiait une proposition de directive sur la santé des sols, comme le rappelle la Cour des comptes. Elle sera examinée par le Parlement européen et par le Conseil de l’Union européenne dans les mois qui viennent. L’objectif est d’assurer une bonne santé des sols d’ici à 2050.

Conditionnalité de la Pac « pas assez stricte »

Les auditeurs ont constaté que la conditionnalité de la Pac, mise en place pour garantir le respect des conditions environnementales par les agriculteurs, pourrait permettre de préserver et d’améliorer la santé des sols « dans la mesure où les normes correspondantes s’appliquent à 85 % des terres agricoles ». Ils jugent toutefois ces conditions insuffisamment strictes pour atteindre l’effet escompté.

Par ailleurs, ils estiment que les exigences relatives aux sols fixées par les pays européens « ne requièrent guère de changements dans les pratiques agricoles ». L’amélioration de la santé des terres pourrait donc « n’être que marginale ». « Des progrès ont certes été réalisés pour la période de 2023 à 2027, mais les modifications apportées jusqu’ici dans certains États membres sont insuffisantes et pourraient n’avoir qu’un impact limité sur la gestion durable des sols et des effluents », abonde l’institution.

Concernant la gestion des effluents, les auditeurs signalent que les dérogations limitent l’efficacité des restrictions à l’épandage. « La pollution des sols a ainsi augmenté dans les exploitations qui ont bénéficié d’une dérogation au plafond d’azote. » Les procédures d’infraction à la directive « nitrates » engagées à l’encontre des pays sont par ailleurs « très longues ».

La Cour des comptes relève également que seule une faible part des fonds mis à la disposition par l’Union européenne dans le cadre du développement rural a été allouée aux « zones connaissant des problèmes pédologiques aigus ». De plus, malgré des « problèmes notoires liés aux excédents d’azote », les programmes de développement rural de ces pays ne prévoyaient que peu de mesures de gestion des effluents.

Quatre recommandations

Forte de ce constat, la Cour des comptes émet quatre recommandations à la Commission européenne :

  • Examiner et faire un rapport sur le niveau d’ambition des normes, ainsi qu’évaluer les résultats de leur mise en œuvre ;
  • Rendre compte du ciblage des mesures volontaires de la politique agricole commune sur les problèmes pédologiques locaux les plus urgents ;
  • Limiter le recours aux dérogations, notamment dans le cadre de la directive nitrates, et passer en revue les objectifs contradictoires existant dans d’autres domaines d’action ;
  • Renforcer la consolidation des données au niveau de l’Union européenne en réduisant les écarts au niveau des États membres : la Cour des comptes a mis en lumière que les données relatives à l’application des exigences concernant la gestion des effluents de plusieurs pays étaient incomplètes, empêchant d’obtenir une vue d’ensemble des pratiques et de calculer des moyennes.

La Commission a répondu, de manière détaillée, aux conclusions de la Cour des comptes et indique accepter les recommandations qui lui sont adressées. Elle se défend par ailleurs sur un certain nombre de points, mettant par exemple en avant le renforcement des exigences et des normes de la nouvelle Pac.

(1) L’audit a porté sur la période de 2014 à 2020, avec une perspective sur la période de 2023 à 2027.