L’histoire
Une société civile d’exploitation agricole (SCEA) avait pour cogérants Pierre et Eric. Ils avaient été désignés par une décision de l’assemblée générale extraordinaire de la société en date du 17 juillet 2006 pour une durée de trois ans. Après plusieurs années sans incident particulier, des divergences étaient apparues entre certains associés et les gérants, concernant l’orientation culturale, et le renouvellement des plantations.
Le contentieux
Le 22 octobre 2014, Anne et François, associés, avaient assigné la société et Pierre et Eric, cogérants, devant le tribunal judiciaire. Ils avaient demandé leur révocation pour motif légitime et la désignation d’un administrateur ad hoc pour la gestion courante de la société.
Anne et François avaient fondé leur demande sur l’article 1846 du Code civil. Selon ce texte « Si, pour quelque cause que ce soit, la société se trouve dépourvue de gérant, tout associé peut réunir les associés ou, à défaut, demander au président du tribunal statuant sur requête la désignation d’un mandataire chargé de le faire, à seule fin de nommer un ou plusieurs gérants. » Or les deux cogérants avaient été nommés par une assemblée générale du 17 juillet 2006 pour une durée de trois ans. Autrement dit, leur mandat était expiré depuis de nombreuses années et ils ne pouvaient se prévaloir d’un renouvellement tacite. La gérance était bien vacante et les gérants devaient être révoqués.
Mais Eric et Pierre s’étaient défendus. Comment pouvait-on évoquer une vacance de la gérance plus de huit ans après leur nomination ? En leur qualité de cogérants, ils avaient, chaque année, convoqué une assemblée générale qui s’était régulièrement prononcée sur les résolutions inscrites à l’ordre du jour, sans que leur mandat ne fût remis en cause.
Les juges leur avaient donné raison. L’absence de renouvellement exprès de la nomination des gérants à l’expiration du délai de trois ans ne rendait pas la poursuite de leur mandat et les actes pris comme irréguliers. Et les nombreuses assemblées générales qui s’étaient succédé n’avaient pas remis en cause cette nomination.
Mais la haute juridiction a censuré la décision des juges. Lorsque le gérant a été nommé pour une durée déterminée, la survenance du terme de son mandat entraîne, à défaut de renouvellement exprès, la cessation de plein droit de son mandat, sans que le gérant qui continue de diriger de fait la société puisse se prévaloir d’une reconduction tacite. Les mandats des gérants étaient parvenus à leur terme sans être renouvelés rendant la gérance vacante.
L’épilogue
La cour de renvoi ne pourra que constater la fin du mandat de gérant d’Éric et Pierre. Elle devra également désigner un administrateur ad hoc en vue de convoquer une assemblée générale avec pour résolution la nomination de nouveaux gérants et l’inscription à l’ordre du jour de la question du renouvellement des plantations.