« Les bâtiments agricoles construits aujourd’hui sont quasiment tous des supports de panneaux solaires, observe Pierrick de Beukelaër, notaire dans l'Eure-et-Loir et installé en pleine Beauce. Le plus commun dans nos régions céréalières, ce sont des panneaux photovoltaïques installés sur des bâtiments de stockage de céréales ou de matériels et des bâtiments frigos pour pommes de terre ou oignons. »

Il n’est pas impossible d’installer des panneaux sur du bâti ancien mais des considérations techniques, liées à la charpente notamment, doivent être prises en compte au préalable.

Si l’autoconsommation par l’exploitant agricole de l’électricité produite gagne du terrain, notamment du côté des éleveurs en raison du prix de l’électricité et de son approvisionnement selon les observations du notaire, la revente de cette énergie reste majoritaire. Une activité qui se rajoute à celle de la production agricole et qui n’est pas sans poser plusieurs questions juridiques, comptables et fiscales.

Modifier les satuts de la société agricole

Cette nouvelle activité peut être exercée directement par l’exploitant ou sa société d’exploitation. C’est depuis 2010 que les sociétés civiles agricoles comme les exploitations agricoles à responsabilité limitée (EARL), les groupements agricoles d’exploitation en commun (Gaec) et les sociétés civiles d’exploitation agricole (SCEA) peuvent exploiter une centrale photovoltaïque rattachée à leurs bâtiments.

« Il faut tout de même modifier les statuts de ces sociétés pour que cette nouvelle activité de production d’énergie rentre bien dans son objet social. Une décision qui doit être constatée dans un procès-verbal d’assemblée générale extraordinaire. Techniquement, un acte passé par une société qui ne rentre pas dans son objet social est sanctionné par la nullité », prévient Pierrick de Beukelaër.

Créer une nouvelle société

Créer une société affectée à cette activité accessoire à l’activité agricole permet d’y associer d’autres personnes que l’exploitant agricole. « Il peut y avoir ici l’idée de s’associer dans cette nouvelle structure avec son époux ou épouse ou ses enfants pour leur faire profiter des revenus générés par cette activité », explique le notaire.

Au-delà de cet intérêt civil et patrimonial, isoler l’activité dans une nouvelle société comporte aussi un intérêt comptable et fiscal. Les revenus de l’activité agricole imposés en tant que bénéfices agricoles (BA) au titre de l’impôt sur le revenu peuvent intégrer seulement dans une certaine limite les revenus tirés de l’activité de revente de l’électricité, qui sont par nature des bénéfices industriels et commerciaux (BIC).

Les recettes de l’activité de revente d’énergie (auquelles il faut rajouter les éventuelles recettes liées à d’autres activités de nature commerciale comme de l’achat-revente ou du gîte à la ferme) ne doivent pas excéder 100 000 € ou 50 % du chiffre d’affaires total. Pour les exploitants ayant opté pour la moyenne triennale fiscale, il faudra comparer le chiffre d’affaires d’électricité espéré à la moyenne des chiffres d’affaires agricoles des trois derniers exercices.

Un calcul à faire

Plusieurs questions sont ensuite à se poser explique Pierrick de Beukelaër. « Il convient d’évaluer l’augmentation de la fiscalité générée par cette activité qui génère un revenu supplémentaire. Si ce revenu est qualifié en BA ou en BIC, comment est-il taxé ? Et pour ceux qui ont un fort taux marginal d’imposition d’impôt sur le revenu, il peut y avoir intérêt à monter une société par actions simplifiée (SAS) assujetti à l’impôt sur les sociétés pour bénéficier d’un taux d’imposition plus faible. » La SAS est souvent privilégiée par rapport la société à responsabilité limitée (SARL), pour la souplesse de ses statuts et pour son coût en termes de cotisations sociales plus faibles en cas de non-rémunération des gérants.

Un calcul est à faire car une nouvelle société a un coût fixe (frais de création et de fonctionnement annuel) qu’il convient de comparer à l’économie d’impôt espérée, insiste le notaire. D’autant plus, qu’il faut aussi rajouter les frais liés à la rédaction du bail liant le propriétaire du terrain accueillant le bâtiment et la société exploitant les panneaux photovoltaïques. Pour en savoir plus, vous pourrez lire notre précédent cas de gestion « Panneaux solaires sur un bâtiment : quels baux signer ? » dans notre numéro du 21 octobre 2022.