« Il était essentiel pour moi d’intégrer des productions de semences dans mon assolement. J’ai en effet travaillé chez plusieurs semenciers avant de reprendre la ferme familiale à la fin de 2021 », informe Romain Boulmeau, agriculteur à Lainsecq, dans l’Yonne.

C’est pourquoi aujourd’hui, près de la moitié de l’exploitation est consacrée à ces cultures, notamment à des espèces fourragères : dactyle (pour Cérience), trèfle incarnat (Vivescia) et fenugrec (Soufflet). En effet, elles ne demandent pas de capacité de stockage de longue durée. Quant au triticale porte-graines (Soufflet), Romain Boulmeau arrive à le stocker trois semaines chez lui.

Têtes de rotation

Il complète : « Historiquement, mon père avait une rotation classique pour le sud de l’Yonne, très ancré “colza/blé/orge”. Ces espèces allongent donc ma rotation (voir l'infographique). » Avec ici une grosse pression vulpins, cela permet aussi d’intégrer de nouveaux modes d’action herbicides. Par ailleurs, les légumineuses sont de très bonnes têtes de rotation. Elles restituent de l’azote aux cultures suivantes et permettent donc des économies.

Double actif, ces cultures porte-graines lui libèrent aussi du temps. « J’ai abandonné le colza qui nécessitait beaucoup d’interventions », ajoute-t-il. Certes, la production de semences demande de l’attention, avec parfois une épuration manuelle nécessaire. Il faut aussi respecter des normes d’isolement. Mais à côté de cela, le temps passé sur les parcelles est souvent moindre. Il fait par ailleurs appel à un entrepreneur pour les semis et les récoltes pour les mêmes raisons.

En 2024-2025, le trèfle incarnat a été la première culture implantée chez lui, au début de septembre. Deux passages d’herbicides ont été nécessaires : contre dicotylédones en postlevée précoce puis un antigraminées (Kerb Flo) à la fin de l’automne. Ensuite, le trèfle a lancé le début des moissons à partir de la mi-juin. Le fenugrec, quant à lui, a été semé en avril, un antidicotylédones a été appliqué à 2 feuilles trifoliées et a été récolté en juillet.

Quant au dactyle, semé au printemps 2023 sous couvert de sarrasin, il s’agit d’une culture pluriannuelle. « Ça a tout son intérêt pour moi en termes de gain de temps car toutes ces années-là, il n’y a pas travail sur la parcelle », appuie-t-il. Finalement en 2024, il a servi de fourrage à un voisin car Romain ne l’avait pas désherbé pour éviter un manque de sélectivité la première année. Il y avait donc encore des vulpins. Or sur ces graminées fourragères, la pureté spécifique fait le revenu. Kerb Flo n’a donc été utilisé qu’à l’automne la seconde année. Une fois installé, il est vigilant vis-à-vis des rongeurs (installation de perchoirs si c'est nécessaire) et surveille les attaques de maladie (quenouille). Le dactyle demande 120 à 140 uN/an.

Avec un fort pouvoir d’enracinement, cette graminée facilite en outre le travail pour les cultures suivantes. Il s’agit aussi d’une culture étouffante qui permet de repartir sur une parcelle très propre. La première moisson a eu lieu au début de juillet 2025 tout juste avant le blé. « Un voisin l’a andainé avant sa pleine maturité pour éviter l’égrenage. Le dactyle a été récolté 8 à 10 jours après par l’entrepreneur », indique Romain Boulmeau.

Faculté germinative

Pour sa part, le triticale dispose d’un itinéraire classique de céréales : semis à l’automne suivi d’un herbicide, d’un régulateur et de deux fongicides. Il faut trois épandages d’azote (163 uN/ha, soit moins qu’un blé). Et la moisson a été réalisée en même temps que le blé tendre.

L’exploitant stabilise le lot de semences à la ferme (ici trèfle incarnat). C’est ensuite la station qui le nettoie et le trie. (©  Céline Fricotté /GFA)

Une fois récolté, Romain Boulmeau stabilise tous ses lots de semences à la ferme en termes d’humidité et de températures (22-23°C) pour ne pas perdre en qualité de faculté germinative. « À moyen terme, j’espère encore développer les productions de semences, les établissements étant à la recherche d’agriculteurs multiplicateurs, se projette l’exploitant. Je réfléchis donc à monter un nouveau hangar bétonné, probablement photovoltaïque, afin de stocker sur une plus longue durée, du blé tendre ou de l’orge notamment. »