« Depuis le début d'août, la dégradation des conditions climatiques génère des inquiétudes chez les agriculteurs qui n’ont pas pu récolter leurs blés avant la pluie, explique le Staff (Syndicat des trieurs à façon français) dans un communiqué diffusé le 18 août 2023. Déjà, dans les campagnes, certains propagent l’idée que 2023 ne serait pas une année à faire sa semence. Il ne faut pas tout mélanger et d’abord savoir distinguer qualité meunière et qualité semencière. »
Verse localisée
La Staff assure que jusqu’à 18 % de taux d’humidité, il n’y a aucun risque d’altération de la levée du semis. Un blé à maturité dont le taux d’humidité est supérieur aux normes de stockage fait une excellente matière première pour la semence, alors que sa valeur marchande sera dégradée. Il est en outre facile de le vérifier par des tests de valeur germinative (lire l'encadré).
« Que ce soit sur pied ou au sol, dans le cas des blés versés, il faut aussi savoir faire preuve de discernement », estiment les trieurs à façon. Généralement, la verse reste localisée et liée aux orages. « De mémoire de trieurs, il n’y aurait eu que trois années à grains germés depuis 2000. Cette année, seuls les secteurs côtiers du quart nord-ouest de la façade maritime sont affectés, sur 5 à 50 kilomètres à l’intérieur des terres », note ailleurs Olivier Hoste, trieur en Normandie.
Point blanc ou prégermination
Mais il ne faut pas confondre valeur marchande et valeur semencière. « Nos collègues de l’Europe du Nord le savent bien. Que ce soit au Danemark ou en Grande-Bretagne, les blés germés sont bien plus fréquents qu’en France et cela ne les empêche pas de faire leurs semences de ferme », indique Sylvain Ducroquet, trieur dans les Hauts-de-France et vice-président de l’Association européenne des trieurs de semence (EMSA).
Quand le germe ne fait que pointer à l’extrémité du grain, les spécialistes parlent de point blanc ou de prégermination. « Si sa valeur céréalière est altérée, il n’y a aucune dégradation de sa valeur semencière. Mieux, l’expérience du terrain montre plutôt un bénéfice, avec une accélération de la levée au champ », fait savoir le syndicat.
Des différences variétales
Dans le cas où le germe a percé l’enveloppe du grain, il faut se poser la question du stade de germination. « Une fois que les radicelles apparaissent, il est trop tard. Le blé ne se conservera pas, il dépérira avant le semis. » En revanche, « si le germe n’est qu’aux premiers millimètres, ses facultés germinatives seront conservées jusqu’au semis, il reprendra son développement en terre », ajoute le Staff.

Toutefois, les avis se partagent à propos de la longueur de germe à ne pas dépasser : 2 mm pour les plus prudents, 5 mm pour les plus joueurs. « Il convient aussi de faire la distinction entre les variétés, certaines sont plus sujettes à la germination au champ que d’autres », stipule le Staff.
Triage sévère
La question du moment est de savoir où se situe la limite en deçà de laquelle il est déconseillé de faire de la semence de ferme. Les trieurs professionnels rappellent qu’ils ont mis au point la méthode dite du « triage sévère ». Celle-ci permet de retirer au moins la moitié des grains indésirables. Ainsi, en partant de lots plus « sales », ils peuvent atteindre les niveaux de qualité des semences commerciales. « Même en 2023, les semences de ferme atteindront très majoritairement le niveau de qualité supérieure avec des valeurs germinatives au-dessus de 95 % », conclut le Staff.