En s’appuyant sur une nouvelle méthodologie baptisée Livestock Biomass Conversion (LBC), une équipe internationale réunissant notamment des chercheurs de la FAO (Organisation mondiale pour l'alimentation et l'agriculture) et de plusieurs universités réévalue la consommation mondiale d’antibiotiques en élevage. Leur étude, publiée le 1er avril dans Nature Communications, alerte sur l’urgence de mettre en place des actions coordonnées pour enrayer la montée en puissance de ces substances dans les filières animales.
Elle rappelle que les méthodes existantes présentaient des limites, notamment dans la prise en compte des spécificités des différentes espèces animales et de leurs systèmes d’élevage. La nouvelle méthode se base sur des données plus fines concernant le poids vif des animaux, permettant de mieux refléter les différences entre espèces, les matières premières utilisées, les cycles de production et les systèmes d’élevage.
Enrayer la tendance
Selon les conclusions de l’étude, les élevages ont consommé environ 110 777 tonnes d’antibiotiques en 2019, un chiffre supérieur aux estimations précédentes, qui variaient entre 89 000 et 99 000 tonnes. Si les tendances actuelles se poursuivent, la consommation mondiale pourrait atteindre 143 481 tonnes d’ici à 2040, soit une augmentation de près de 30 %. Cette hausse serait principalement due à la croissance attendue de la consommation mondiale de produits d’origine animale.
Le document explore également huit scénarios différents qui montrent comment cette trajectoire pourrait être modifiée en fonction des politiques de réduction des antibiotiques mises en place. Ces scénarios envisagent des réductions plus ou moins importantes de l’intensité d’utilisation des antibiotiques (AMUI) et tiennent compte des variations potentielles de la biomasse animale (LBIO).
Les résultats sont éloquents : des efforts significatifs pour diminuer l’AMUI, combinés à une optimisation de la LBIO (par exemple, en améliorant l’efficacité de l’élevage sans nécessairement augmenter le nombre d’animaux), pourraient entraîner une réduction considérable de la consommation d’antibiotiques, allant jusqu’à plus de 50 % par rapport au scénario de référence.
Les résultats soulignent également des disparités régionales notables : l’Asie-Pacifique devrait rester la région la plus consommatrice, représentant près des deux tiers de la consommation mondiale en 2040. L’Afrique et l’Amérique du Sud pourraient connaître les augmentations relatives les plus importantes, en raison de la croissance rapide de leur biomasse animale pour répondre à la demande alimentaire croissante. À l’inverse, l’Europe et l’Amérique du Nord devraient enregistrer des augmentations minimes, voire une légère diminution pour l’Amérique du Nord.
Appel à des actions coordonnées
Les auteurs de l’étude insistent sur la nécessité d’agir simultanément sur deux leviers : réduire l’intensité d’utilisation des antibiotiques et optimiser la biomasse animale. Cela implique des améliorations des pratiques d’élevage, de la biosécurité et le recours à des alternatives aux antibiotiques. Des politiques publiques ambitieuses et une coopération internationale seront indispensables pour atteindre les objectifs de réduction fixés par les organisations internationales, selon les auteurs.