Le broyage des poussins mâles disparaîtra fin 2021 en France. L’industrie multiplie les initiatives pour remplacer cette pratique controversée. Si le sexage avant éclosion semblait jusqu’ici la meilleure alternative, la jeune start-up SOOS va plus loin. Grâce à son concept de couveuse, elle parvient à favoriser le changement du sexe des embryons mâles en embryons femelles. Pour arriver à ce résultat spectaculaire, température, hygrométrie et CO2 sont précisément contrôlés dans l’incubateur. C’est ensuite l’utilisation de vibrations sonores qui va permettre la modification.

Taux d’éclosion satisfaisant

Yael Alter, fondatrice de la société, se réjouit des résultats obtenus : « On a atteint un taux d’éclosion de poussins femelles de 60 % dans nos couveuses, et même des pics à 75 et 80 % dans certains compartiments. Ce sont d’excellents chiffres. Nous allons poursuivre les essais pour atteindre l’objectif de 80 % pour l’ensemble de notre incubateur. »

Obtenir 100 % de femelles dans la couveuse n’est pas encore possible ni envisagé. Mais à 60 %, l’impact dans les couvoirs est déjà considérable. Cette aventure entrepreneuriale est née de la rencontre entre Yael Alter, qui occupe alors des fonctions dirigeantes dans le secteur avicole, et de Nashat Haj Mohamad, qui vient de découvrir que certaines conditions dans les couveuses permettent d’observer plus de naissances de poussins femelles. Convaincue par le procédé, Yael Alter décide de rassembler une équipe et de se consacrer au projet. Elle met à profit sa connaissance du marché. « Même si cette innovation était déjà séduisante pour les industriels, ils avaient besoin d’un interlocuteur organisé et structuré pour envisager des partenariats, explique-t-elle. D’où la naissance de SOOS. »

Levée de fonds

Créée en 2016, la start-up entame une phase de recherche et développement, validée par une première levée de fonds en 2017. Depuis, le géant de la volaille italien Amadori et le fabricant de couveuses belge Emka sont devenus partenaires pour l’implantation de couveuses pilotes et la poursuite de la recherche. Le marché hexagonal n’est pas oublié : « La France est naturellement un objectif. Des contacts sont déjà établis et nous continuons à rechercher des coopératives ou industriels partenaires. »

L’intérêt économique pour la filière est potentiellement majeur et l’intérêt éthique tout autant. Les interrogations sur l’utilisation d’une telle technologie ne sont malgré tout pas négligées. « Elle est très novatrice, mais nous ne faisons que reproduire des conditions présentes dans le milieu naturel. Il n’y a aucune manipulation génétique ou chimique et les poussins naissent en parfaite santé », insiste Yael Alter.

L’invention de la jeune entreprise a déjà séduit outre-Atlantique. L’université de Cornell et l’État de New York lui ont remis, fin novembre, le premier prix du concours annuel de start-up agricoles et agroalimentaires Grow-NY, accompagné d’un chèque d’un million de dollars. De quoi poursuivre le développement avec sérénité. Benoît Devault