L’histoire
Anne était employée à mi-temps comme receveuse à la poste de son village et exploitait par ailleurs un élevage porcin. Marc lui avait vendu diverses parcelles, afin de lui permettre d’agrandir son élevage. Le notaire chargé de la vente avait notifié les conditions de l’aliénation à la Safer, qui avait exercé son droit de préemption.
Le contentieux
Anne, qui voyait disparaître les chances de mener à bien son projet d’agrandissement, avait saisi le tribunal judiciaire en annulation de la décision, car sa motivation était insuffisante.
On sait qu’en vertu des articles L 143-2 et L 143- 3 du code rural, à peine de nullité, la décision de préemption doit comporter des indications concrètes et précises sur la nature du bien et l’opération envisagée, afin qu’il soit permis de vérifier la réalité de l’objectif allégué et sa concordance avec les finalités affichées. Et la jurisprudence est bien établie en ce sens : la motivation doit être précise, détaillée.
En la cause, la décision de la Safer était -elle suffisamment motivée ? Certainement pas pour Anne. La décision se bornait à décrire l’ensemble du parcellaire, indiquait que la commune avait son agriculture tournée vers l’élevage porcin et bovin et que les parcelles étaient en limite d’une exploitation de type porcin. Mais la décision de la Safer ne contenait aucune précision sur cette exploitation et sur le statut de l’éleveur, ni davantage sur ses projets. Par ailleurs, il était donc impossible de savoir si, après préemption, la rétrocession des parcelles serait de nature à favoriser l’installation, la réinstallation ou le maintien des agriculteurs, ainsi que l’amélioration du parcellaire, qui étaient des objectifs visés par la décision. Autant dire que son annulation s’imposait.
Mais ni le tribunal ni les juges d’appel n’ont reçu Anne dans ses conclusions. La décision de préemption mentionnait les motifs de l’acquisition rentrant dans le cadre des objectifs de l’article L. 143-2 du code rural, décrivait de façon détaillée l’ensemble du parcellaire, indiquait que l’agriculture de la commune était tournée vers l’élevage porcin et précisait que plusieurs projets pourraient se révéler au moment de l’appel à candidature fait par la Safer, dont celui de l’éleveur porcin situé en limite des parcelles préemptées. Aussi, la décision de la Safer comportait une analyse concrète des données locales et des besoins du secteur agricole de la commune. La demande d’annulation de cette décision ne pouvait qu’être écartée, ce que la Cour de cassation a confirmé.
L’épilogue
Anne devra-t-elle renoncer définitivement à son projet d’agrandissement ? Pas nécessairement, mais elle devra répondre à l’appel à candidature lancé par la Safer en vue d’une rétrocession et démontrer que ce projet présentait plus d’intérêt que celui de l’exploitant situé en limite des parcelles préemptées.