Coup de tonnerre pour le service public : l’annonce d’une coupe claire de Bercy dans le budget qui permet à La Poste de financer sa présence sur l’ensemble du territoire a provoqué l’indignation des maires ruraux, réunis en Côte-d’Or pour leur congrès du 27 au 29 septembre 2024.
Selon le P.-D.G. du groupe La Poste, Philippe Wahl, la décision est déjà prise : sur 174 millions d’euros par an (pouvant aller jusqu’à 177), le fonds qui assure la présence des services postaux en milieu rural ou les quartiers populaires des villes doit fondre de 50 millions d’euros dès cette année 2024.
Dix mille points relais disparaissent
« Ça veut dire qu’on va effacer d’un coup du paysage dix mille points relais commerçants et agences postales communales parce qu’on ne pourra plus les payer, c’est un énorme cataclysme », s’indigne Xavier Cadoret, maire de Saint-Gérand-le-Puy, dans l’Allier.
L’élu, également vice-président de l’Observatoire national de la présence postale (ONPP), a interpellé vendredi la nouvelle ministre de la Ruralité, Françoise Gatel, venue rencontrer les maires ruraux. « La présence postale est un moteur essentiel de la vie de nos villages. La notion de service va encore plus s’éloigner de nos territoires ruraux », regrette Gilles Noël, maire de Varzy (Nièvre).
Les bureaux de poste, financés par La Poste, ne sont pas concernés, à l’inverse des agences postales communales — créées justement pour compenser la disparition d’un bureau de poste — et des points relais commerçants. La loi postale de 2010 née de l’ouverture à la concurrence du secteur oblige La Poste à maintenir au moins 17 000 « points de contact» (bureaux de poste, agences communales et intercommunales, relais postaux commerçants, France Services, etc.) en vertu de sa mission de service public d’aménagement du territoire.
« On touche le fond »
L’objectif étant de permettre à au moins 90 % des habitants d’accéder aux services postaux essentiels (courriers, recommandés, petits retraits ou dépôts d’argent) à moins de cinq kilomètres et vingt minutes en voiture de leur domicile. Cette mission de service public, forcément déficitaire, est évaluée à 348 millions d’euros et compensée par un fonds de péréquation de l’État dans le cadre d’un contrat de « présence postale territoriale » signé entre l’État, La Poste et l’Association des maires de France (AMF).
« En pratique, ces 174 millions ne sont jamais versés et il nous manquait déjà entre 15 et 30 millions d’euros, mais là on touche le fond », a réagi auprès de l’AFP Eric Verlhac, directeur général de l’AMF. « Plus largement, c’est l’égalité territoriale et le rôle social des agences postales qui est menacé. C’est particulièrement vrai en Outre-mer, mais aussi pour les retraités en milieu rural ou dans les quartiers classés politique de la ville », observe Eric Verlhac, rappelant que pendant la crise du Covid, la fermeture brutale des bureaux de poste avait suscité un tollé général.
Présence humaine
Si l’activité courrier de La Poste ne représentait plus que 16 % de ses recettes en 2023, obligeant le groupe à réduire la voilure, sa présence reste néanmoins cruciale pour accompagner les habitants dans leurs démarches administratives, là où les services publics ont déjà été réduits à peau de chagrin.
« Les habitants ont besoin d’une présence humaine. Dans mon village de 332 habitants, j’ai encore une factrice guichetière, c’est vraiment un symbole auquel les ruraux sont très attachés », témoigne Jean-Paul Carteret, maire de Lavoncourt (Haute-Saône), qui plaide aussi pour le « maintien des distributeurs depuis que les banques privées se sont éloignées de nous ».
Interruption de service
Si la coupe budgétaire se confirme pour 2024, les élus redoutent une amputation à l’identique en 2025. Ce qui, de l’avis même du P.-D.G. de La Poste, pourrait conduire à une interruption de service.