Comment un acheteur public peut, dans le cadre de la commande publique, répondre à l’attente sociétale de consommer local ?
« Un jour, un juge m’a confié : “Vous achetez ce que vous voulez, mais pas comme vous voulez.” Le cadre juridique du marché public (publicité et mise en concurrence pour justifier l’usage des fonds publics et éviter la corruption) doit être respecté, mais il ne doit pas représenter un frein au choix d’une alimentation de qualité et locale, considère Maxime Cordier. Ce cadre peut être un outil pour des achats vertueux à condition que le juriste et le technicien qui s’occupe de la restauration de la collectivité travaillent ensemble, et qu’ils soient soutenus par leurs élus. »
« En tant que responsable de la restauration, je suis allé à la rencontre de la chambre d’agriculture, des acteurs locaux comme la coopérative bio d’Île-de-France et des agriculteurs. J’ai choisi ce que je voulais manger, j’ai rédigé mon marché en adaptant mon argumentaire à l’offre locale en ciblant des critères techniques spécifiques : la qualité nutritionnelle des produits, la juste rémunération des agriculteurs, l’impact environnemental de la production, le type précis de marchandise, les volumes requis… L’article R2111-7 du code de la commande publique interdit d’inscrire la préférence géographique dans ces critères, mais en sélectionnant d’autres arguments précis, je peux orienter le marché de sorte que seule telle ou telle filière locale peut y répondre. »
Comment éviter qu’une entreprise ne se sente lésée et dénonce la commande publique ?
« Dans mon budget de 2,5 millions d’euros pour un million de repas par an, je flèche 50 % vers les producteurs en direct et 50 % vers des grossistes. Je satisfais tous les acteurs et n’en n’exclus pas car ils sont complémentaires. Les grossistes apportent à la restauration collective ce que ne peuvent pas forcément fournir les producteurs comme une logistique rodée, des volumes adaptés, une grande réactivité et une diversité de produits. Tout le monde sait que je travaille avec l’un ou l’autre selon les produits. »

Le cadre de la commande publique doit-il évoluer ?
« Oui, le cadre européen de la commande publique doit évoluer pour être un levier de structuration de filières locales de qualité, insiste Maxime Cordier. Avec l’association de la restauration publique territoriale, nous travaillons à le modifier au titre de la santé des consommateurs et de la sécurité des approvisionnements. Nous demandons que la moitié du budget des acheteurs publics de denrées alimentaires soit libre de procédure de concurrence, et donc soit accessible directement aux producteurs locaux. »
« Et ce, comme c’est déjà le cas aujourd’hui pour les marchés inférieurs à 220 000 euros par an non soumis à la commande publique, à condition de changer régulièrement d’opérateurs pour éviter les monopoles, et de demander plusieurs devis. Ces 50 % libérés des marchés publics permettront de structurer des filières de territoire et de rémunérer au prix juste les agriculteurs tout en assurant un produit de qualité au consommateur. »
« L’objectif est aussi de ramener l’équité entre les collectivités qui sont soumises au code de la commande publique, et les opérateurs privés (Sodexo, Accor…) non soumis à ces contraintes de procédure dans leurs achats de denrées alimentaires au quotidien. »