Appels au calme d’un côté, à l’autodéfense de l’autre. À vingt-quatre heures d’une nouvelle mobilisation d’ampleur d’opposants aux « mégabassines » dans le Poitou, la tension s’accroît entre adversaires et partisans de ces retenues d’eau pour l’irrigation agricole.
Une semaine d’actions antibassines
Près de 10 000 manifestants sont attendus par les organisateurs, entre le mardi 16 juillet et le dimanche 21 juillet 2024, au « Village de l’eau » installé à Melle, dans les Deux-Sèvres. Un lieu de rassemblement situé à quelques kilomètres de Sainte-Soline, où de violents affrontements en mars 2023 avaient opposé certains manifestants et forces de l’ordre.
Une quinzaine de convois venus de France mais aussi de Belgique, d’Allemagne et d’Italie doivent converger à Melle « pour une semaine de débats, formations, ateliers et fêtes ». Environ 120 organisations, associations, syndicats et collectifs soutiennent l’événement, dont Bassines non merci (BNM), les Soulèvements de la Terre, Attac, l’union Solidaires et la Confédération paysanne.
Les syndicats agricoles divisés
Un événement pour lequel les syndicats agricoles ont affiché leurs divergences. La Confédération paysanne, qui fait partie des organisateurs, appelle les pouvoirs publics à « œuvrer pour qu’un dialogue soit enfin mis en œuvre » sur le partage de l’eau, plutôt que « de jouer les pompiers pyromanes ou les oiseaux de mauvais augure ». Le syndicat s’est également adressé directement aux agriculteurs dans une lettre publiée ce 15 juillet 2024 (lire l'encadré).
La Coordination rurale du Lot-et-Garonne, de son côté, condamne des « écologistes intégristes » et appelle les agriculteurs à « aller soutenir et défendre nos amis paysans » dans les Deux-Sèvres, assurant que « les agriculteurs […] se tiendront aux côtés des forces de l’ordre ».
Le premier syndicat agricole, la FNSEA, estime pour sa part que « tout est réuni pour que le pire arrive » et appelle au calme, exhortant les agriculteurs « à ne pas céder aux intimidations et provocations ».
« Désobéissance civile » des antibassines
Une appréhension de la FNSEA largement partagée par le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin. Au micro de France Info ce 15 juillet au matin, il a dit craindre « des actes d’une très grande violence » et attend « un millier de personnes extrêmement violentes, qu’on pourrait qualifier de radicalisées ». Et d’ajouter : « Plus d’une centaine de militants d’ultragauche », venant de pays européens limitrophes, se sont vus prononcer une interdiction d’entrée sur le territoire.
Même son de cloche du côté de certains élus. De tous bords politiques, environ deux cents d’entre eux se sont rassemblés le vendredi 12 juillet en fin de journée à Melle pour exprimer leur « inquiétude » face à « l’intention assumée et explicite » de mener « des actions de désobéissance civile ». Pour la présidente divers droite (DVD) du département des Deux-Sèvres, Coralie Dénoues, l’événement « porte en lui les germes des violences que nous avons vécues l’an dernier ».
🔵 A Melle (79) hier soir, avec les élus de la Vienne et des Deux-Sèvres pour dire NON à la violence à l’occasion du village de l’eau et des journées d’action des 19 et 20 Juillet.
— Alain Pichon (@AlainPichon86) July 13, 2024
‼️La République et la démocratie c’est le dialogue. pic.twitter.com/mMLkUF9P80
Plus tôt dans la journée, la préfecture des Deux-Sèvres avait « rappelé » leurs responsabilités aux organisateurs du Village de l’eau et des actions revendicatives prévues « au vu des risques élevés qu’ils présentent », soulignant qu’elle prenait « dès à présent des mesures administratives pour appuyer les actions de la gendarmerie ».
Des manifestations coûte que coûte
« Ça va mal finir ! On ne peut plus rien entreprendre, dès qu’on fait quelque chose on est mis au pilori », s’agace auprès de l’AFP un gros exploitant, récemment victime de dégradations revendiquées par un collectif d’opposants.
Pour les opposants, le but de ces rassemblements est « d’arracher un moratoire » sur la construction des « mégabassines ». « Puisque le gouvernement […] continue à imposer les projets, nous faisons le choix de maintenir des formes de désobéissance de masse qui impactent concrètement leurs cibles », affirme Bassines non merci ( BNM).
J-2 !!! ����♀️ Le montage du Village de l'eau avance et point d'étape sur les convois !
— Les Soulèvements de la terre (@lessoulevements) July 14, 2024
Les chapiteaux Loutre, Libellule, Outarde et Héron sont en place !
Côté convoi, l'énergie collective est déjà lancée à toute vitesse ! ��
1/13 ��⤵️ pic.twitter.com/Fn9SVIpGyX
Les organisateurs comptent sur la proximité des JO de Paris (du 26 juillet au 11 août) pour attirer « les regards du monde entier » et assurent que les manifestations auront lieu quoi qu’il arrive. « Nous prendrons mal toute tentative des autorités de les empêcher », a prévenu Julien Le Guet, porte-parole de BNM.