Après plus de 60 heures de débat, plus de 5 000 amendements déposés et quelques rebondissements, le projet de loi d’orientation agricole dévoilé le 3 avril dernier par le gouvernement signe sa fin de parcours à l’Assemblée nationale ce 28 mai 2024. Les députés ont voté le texte lors du vote solennel qui a eu lieu dans l’hémicycle. C’est une version remaniée par l’Assemblée qui est désormais entre les mains du Sénat.
500 000 exploitants en 2035
Les discussions avaient/ont notamment permis d’y introduire un objectif minimum de 400 000 exploitations et 500 000 exploitants agricoles en 2035, ce qui correspond à peu près à la situation constatée par le dernier recensement agricole de 2020.
À la suite d'un rétropédalage, le gouvernement avait déposé un amendement pour réintroduire des objectifs en surface agricole utile en agriculture biologique et cultivée en légumineuse. Avant 2030, elles devront atteindre respectivement 21 % et 10 % selon l’objectif que se fixerait l’État.
Le sujet foncier reporté à l’automne
Malgré les critiques de l’aile gauche de l’Assemblée, les députés avaient adopté le 24 mai un amendement déposé par le gouvernement qui adapte le régime de répression des atteintes à l’environnement. La qualification de délit serait alors réservée aux faits commis de manière intentionnelle.
Le gouvernement a essuyé en revanche un revers concernant sa proposition de création des groupements fonciers agricoles d’investissement qui n’avait pas passé le stade des travaux en commission. Les élus ont adopté un amendement déposé par le député socialiste Dominique Potier, visant une prochaine « réforme de l’ensemble des instruments juridiques et financiers » afin de « préserver les terres agricoles, de rendre le foncier accessible aux candidats à l’installation ».
Pendant que la FNSEA et JA réclamaient le vote de la loi…
Le texte était « une lueur d’espoir » selon Terre de Liens, qui réclame « une grande loi foncière ». Stéphane Travert, président de la commission des affaires économiques, a promis qu’une mission parlementaire allait tabler sur ce sujet à l’automne. Pour le reste du texte, l’association a dénoncé une « loi Roundup » : « Arrachage des haies facilité, délais de recours face aux projets d’élevage industriel et de mégabassines rabotés, dépénalisation des atteintes à la protection des espèces. Pour une loi censée accélérer la transition de notre agriculture, c’est presque risible. »
Même si elle a identifié certains « manques et une faible ambition » du projet de loi, la FNSEA avait appelé les députés à voter ce texte. Le syndicat comptant bien sûr le Sénat pour « l’améliorer », selon un communiqué du 27 mai 2024. « Si le texte ne répond pas encore à toutes les attentes des agriculteurs, il comporte des avancées. Ainsi, la notion d’intérêt général majeur permettant de mieux protéger l’agriculture, avec sa traduction dans le code pénal, comme la révision de l’échelle des peines, la rationalisation du diagnostic modulaire à l’installation, la création du droit à l’essai dans les sociétés… sont autant de sujets qui, sans la mobilisation de la FNSEA et de son réseau, seraient toujours au statu quo. »
Jeunes Agriculteurs avait également appelé aux députés de voter la loi. « Ce texte apporte les premières pierres d’une réponse attendue par le monde agricole sur la simplification, en réponse aux mouvements de ce début d’année », a estimé le syndicat dans un communiqué du 27 mai 2024.
… les syndicats minoritaires voulaient son rejet
La Confédération paysanne et la Fadear avaient de leur côté appelé à rejeter le texte dans un communiqué commun du 28 mai 2024. Elles y « dénoncent l’ensemble des dispositions qui affaiblissent la préservation de l’environnement et ne permettent pas de relever les défis face au changement climatique » ainsi que « la volonté du gouvernement de toujours dévoyer la notion de souveraineté alimentaire et de cultiver l’ambiguïté avec la souveraineté agricole et énergétique ».
Un rejet du texte que le Modef réclamait également. Dans un communiqué du 13 mai, le syndicat évoquait un « texte très insuffisant pour répondre au défi démographique auquel fait face la profession » tout en estimant qu’il n’y avait « pas une seule ligne pour que les viticulteurs et les paysans obtiennent un prix plancher rémunérateur ! ».
Pour la Coordination rurale aussi, « la loi d’orientation agricole ne peut pas être approuvée en l’état », selon un communiqué du 28 mai 2024. Le syndicat identifiant plusieurs « lignes rouges franchies » comme le guichet France Services Agriculture vu comme « une suradministration ».