Agriculteurs près de Châteaudun dans le sud de l’Eure-et-Loir, Elisa Franchet et Sébastien Lallier cultivent, du colza sur leur exploitation respective : une culture essentielle pour leurs rotations à dominante céréalière. « C’est une des têtes d’assolement les plus sûres pour nous, mais la principale difficulté reste l’implantation », explique Sébastien.
Les deux agriculteurs ont donc mis en place une stratégie de colza robuste, notamment pour limiter les dégâts des ravageurs d’automne tels que l’altise. Sébastien opte pour une implantation avant le 15 août avec des plantes compagnes, en précédant pois quand l’assolement le permet. « Quand on arrive à faire tout cela, en général ça passe », estime-t-il. L’agriculteur s’autorise si besoin un tour d’eau d’irrigation pour aider le colza à démarrer, ainsi qu’un traitement insecticide à l’automne.
La stratégie d’Elisa est similaire, même si dans son cas les leviers du précédent pois et des plantes compagnes sont plus difficiles à actionner : « le colza, qui par choix n’est pas irrigué, manque souvent d’eau dans ces situations », explique-t-elle. L’agricultrice évite les variétés notées attractives pour l’altise et opte pour du mélange variétal.
Radis chinois et navette
Ces leviers ne sont pas toujours suffisants pour faire face à une pression altise très variable d’une campagne à l’autre. De plus, selon le climat de l’année, il n’est pas toujours possible de les actionner. C’est pourquoi les deux agriculteurs ont accepté de participer au projet Ctrl-Alt de l’Inrae, qui vise à proposer de nouvelles stratégies de lutte contre ce ravageur. « Ce projet nous a intéressés car nous n’étions pas obligés de tester les plantes de service en mélange avec le colza. D’ailleurs, aucun protocole n’était imposé », explique Elisa. « Nous avons aimé l’approche territoriale du projet, qui a mis plusieurs agriculteurs autour de la table », soulève de son côté Sébastien.

Sébastien a fait le choix de densifier le radis chinois dans ses intercultures longues, pour atteindre environ 20 pieds au m2. « Dans la première phase du projet Ctrl-Alt, les chercheurs ont constaté que le radis chinois était une espèce très attractive pour l’altise. Comme j’en avais déjà dans mes couverts, j’ai opté pour cette stratégie ». L’agriculteur a également réalisé des intercultures courtes avec une plus forte proportion de radis chinois. Ces couverts ont été positionnés à proximité plus ou moins directe du colza, selon l’assolement.
Elisa a aussi opté pour le radis chinois dans ses intercultures, en mélange avec d’autres espèces. De plus, l’agricultrice a implanté une bande de navette pure dans une parcelle de colza, cette espèce étant elle aussi ressortie comme attractive vis-à-vis de l’altise. Cette parcelle a la particularité d’être accolée à un bois : « comme les altises font leur diapause estivale dans les bois, on peut supposer que la pression du ravageur est plus importante à cet endroit », explique-t-elle.
Relevés réguliers
L’équipe de l’Inrae (1) a installé des cuvettes jaunes et des berlèses dans le colza, les repousses, les couverts d’interculture et la bande de navette. Pour cette dernière, les pieds de colza ont été prélevés en gradient, à différentes distances de la bande de navette, dans le but de voir si l’infestation larvaire variait en fonction de la distance à la plante attractive. Les comptages d’altises adultes, des larves et des dégâts sur feuilles ont été relevés tous les 10 à 15 jours, par les chercheurs et les étudiants d’un lycée agricole partenaire.
« Cette année, les limaces ont été très actives : il était parfois difficile de différencier leurs dégâts de ceux de l’altise », commentent les deux agriculteurs. À l’inverse, la pression altise a été globalement faible, ce qui fait que la campagne n’aura pas été très déterminante pour le projet. « Les chercheurs pensent que l’altise se reproduit moins bien lorsque les conditions sont trop fraîches ou humides ».
Au printemps 2025, de nouveaux ateliers de co-conception sont prévus pour faire le bilan de la campagne. Elisa et Sébastien comptent poursuive cette expérimentation l’année prochaine.
(1) UMR Agronomie : Ivan Le Masson et Anaïs Boulay.