La première voie de circulation de la peste porcine africaine (PPA) est la transmission de proche en proche par des sangliers infectés depuis les pays voisins. Pour limiter ce risque, le renforcement de la surveillance de la faune sauvage et, si la topographie le permet, l’installation de clôtures aux frontières sont essentiels. L’objectif : stopper la propagation de la PPA avant qu’elle n’entre sur le territoire.
« Dans les pays déjà touchés, on observe en général trois mois de retard entre la détection et l’entrée réelle du virus », indique Mylène Petit, chargée de projet au sein de l’Interprofession Inaporc et de l’Association nationale sanitaire porcine (ANSP). D’où l’importance d’une détection précoce, via l’analyse systématique des cadavres de sangliers (notamment ceux repérés par le réseau Sagir) et, à terme, l’élargissement des tests aux sangliers prélevés à la chasse ou retrouvés en bord de route.
En parallèle, « la priorité reste la biosécurité en élevage ». La filière insiste sur la nécessité pour les éleveurs d’être pleinement conformes aux normes de biosécurité pour éviter l’introduction du virus dans les fermes. Depuis 2020, elle met à disposition des éleveurs son outil professionnel d’audit Pig connect. « Aujourd’hui, soit cinq ans après son déploiement, 57 % des sites d’élevage ont été audités et ils représentent 91 % de la production nationale », chiffre Mylène Petit.
Mais le niveau de biosécurité est encore loin d’être optimal. En réalité, « seulement 15 % de la production est 100 % conforme aux exigences réglementaires et 30 % est conforme aux critères les plus à risque ». Dans l’ensemble, les dysfonctionnements ne sont pas d’ordre structurels, mais résultent d’une mauvaise application des mesures de biosécurité. « Ce qui pêche, ce n’est pas le sas sanitaire, mais c’est l’homme lié à une mauvaise utilisation du sas ».
Garantir le maintien de l’activité
« L’idée est de faire comprendre aux éleveurs que leur niveau de biosécurité va complètement influencer le devenir de leurs animaux et le maintien de leur activité en cas de PPA s’ils se retrouvent en zone réglementée », poursuit-elle. En cas de foyer en élevage, l’intégralité du cheptel est abattue sur place, suivie d’une phase de nettoyage-désinfection puis d’un vide sanitaire. Une zone réglementée est ensuite mise en place autour du foyer, conformément à la réglementation européenne, entraînant de nombreuses restrictions et notamment une interdiction de mouvement des animaux.
« La règle de base, c’est que dans cette zone réglementée : il n’y a rien qui rentre, il n’y a rien qui sort », souligne Mylène Petit. Autrement dit, l’activité est théoriquement à l’arrêt total. Des dérogations aux interdictions de mouvements peuvent être accordées, mais elles dépendent fortement du niveau de biosécurité des élevages.
Si ce niveau est insuffisant, les mouvements vers d’autres élevages seront interdits, et ceux vers l’abattoir seront possibles uniquement sous le statut « MNR-PPA » (1), considéré comme défavorable. Ce statut impose des traitements d’atténuation sur les viandes, or de nombreux produits comme la viande fraîche ou les saucissons ne peuvent pas être traités. Dans ces conditions, certains produits ne pourront pas être commercialisés, et le risque est clair : « à terme, les entreprises de transformation et les abattoirs pourraient refuser les animaux, faute de débouchés ».
À l’inverse, un élevage situé en zone réglementée mais disposant d’un haut niveau de biosécurité validé par un audit, pourra bénéficier du statut favorable « MR-PPA » (2), permettant la poursuite des mouvements. Conclusion : le niveau de biosécurité est un facteur déterminant pour maintenir l’activité en cas de crise sanitaire.
L’interprofession souhaite ainsi rendre obligatoire l’audit Pig connect de biosécurité, via un accord interprofessionnel étendu, mais elle se heurte à des obstacles juridiques. Plusieurs pistes ont été envisagées, notamment l’instauration de pénalités financières à l’abattoir pour encourager à la réalisation de l’audit, rejetée par la DGCCRF.
Une alternative consisterait à moduler la fréquence des audits en fonction de leurs résultats. Puisque l’audit est à la charge de l’éleveur, cette approche crée un levier incitatif : plus le score est faible, plus la fréquence des audits devra être rapprochée. Concrètement, un mauvais résultat imposera un audit annuel, et donc un coût récurrent pour l’éleveur.
Prévenir le risque « sandwich »
Si les éleveurs sont en première ligne pour prévenir la maladie, l’aval à son rôle à jouer. Un travail est notamment mené par Culture viande auprès de ses adhérents pour que les abattoirs obtiennent l’agrément spécifique nécessaire à l’abattage des animaux situés en zone réglementée. Il en est de même du côté des entreprises de transformation, dont certaines auront besoin de ce précieux sésame pour commercialiser des produits sur le marché européen. « L’idée est de tous jouer dans le même camp car l’abattage préventif ou la destruction de produits va forcément peser fortement sur l’ensemble de la filière du point de vue économique », souligne Mylène Petit.
Enfin, une autre porte d’entrée de la PPA est le risque « sandwich ». Dans ce cas, le virus n’est pas transporté de proche en proche par un sanglier mais par des activités humaines : un aliment infecté qui est jeté par terre et ingéré par un sanglier ou lancé dans un élevage de porc plein air, un camion mal nettoyé…
« Là encore, la biosécurité est essentielle. Si elle ne garantit pas à 100 % que le virus ne rentre pas, elle limite quand même les dégâts », conclut Mylène Petit.
(1) Mouvement ne respectant pas les exigences réglementaires liées à la PPA. (2) Mouvement respectant les exigences réglementaires liées à la PPA.