Le 28 mars 2025 à Lens dans le Pas-de-Calais, la ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, a annoncé la feuille de route du gouvernement pour améliorer la qualité de l’eau potable, au travers d’une meilleure protection des captages. Son contenu n’a pas été précisément présenté.
Il a notamment été évoqué l’objectif de « sécuriser » 3 000 captages supplémentaires et la volonté de mettre en place des mesures concertées sur les territoires. Les principaux syndicats agricoles restent donc prudents et attendent de voir comment, concrètement, cette feuille de route sera mise en place.
Un accompagnement indispensable
« Les agriculteurs sont d’accord pour avancer sur l’eau, a déclaré face à la ministre Christian Durlin, administrateur à la FNSEA. Mais on leur demande d’en être les gardiens alors qu’ils ne l’ont pas choisi. » L’élu a insisté sur l’accompagnement des producteurs, avec des moyens suffisants pour garantir leurs performances économiques.
Christian Durlin s’inquiète aussi du « retournement de situation » que constitue la disparition des « indicateurs de progrès » au profit d’autres, par exemple relatifs aux cultures à bas niveau d’intrant ou à l’agriculture biologique. « Dans les plans d’action, il faut trouver le chemin pour que les agriculteurs s’améliorent plutôt que d’aller sur des systèmes différents », a-t-il déclaré en relevant les difficultés économiques de la filière bio.
À l’inverse, la FNAB (Fédération nationale d'agriculture biologique) souhaite le développement de ce mode de production « sur 100 % des aires de captages », en raison de son « efficacité » pour protéger la qualité de l’eau. « Or en 2023, seules 4 % des surfaces d’alimentation de captages étaient couvertes par une MAEC ou une aide à l’agriculture biologique », déplore la fédération.
La Coordination rurale craint de son côté « une éviction » de tout ou partie des agriculteurs. « Sur certains captages, même des pratiques relevant de l’agriculture biologique sont interdites », précise Laurent Devaux, chargé d’études au syndicat. Ce dernier s’inquiète d’une stigmatisation systématique des agriculteurs, alors que selon lui les pollutions d’origines urbaines peuvent être toutes aussi impactantes.
La porte-parole nationale de la Confédération paysanne, Laurence Marandola, rejoint aussi l’idée que les efforts ne peuvent pas uniquement reposer sur les agriculteurs. Néanmoins, certains se maintiennent selon elle dans le déni. « L’accompagnement des agriculteurs est indispensable pour les aider à changer leurs pratiques […] et il y a plein de façons de le faire », relève-t-elle.
Cependant, entre « le blocage du monde agricole », par exemple sur la réforme de la redevance pour pollutions diffuses, « le détournement parfois de la réglementation » et « le peu de résultats » sur les programmes d’actions malgré l’argent mis sur la table, Laurence Marandola n’est pas très optimiste.
« Souci de chiffrages »
Clotilde Hareau, agricultrice dans le Calvados et membre de l’association France Captages (1), attend aussi de voir comment cette feuille de route se concrétisera. Pour le moment, elle trouve la position du ministère un peu trop alarmiste, notamment dans les chiffrages présentés.
« Les 1 500 captages actuellement protégés tirent leur origine dans les 500 captages prioritaires du Grenelle de l’environnement puis des 1 000 autres qui se sont ajoutés quelques années plus tard dans le cadre de la conférence environnementale, relève-t-elle. Pour tous ces captages, l’engagement a été pris de délimiter leurs aires d’alimentation (AAC), de réaliser un diagnostic puis de lancer un programme d’actions. »
Ce chiffre relèverait donc plutôt de cette dynamique engagée que d’une réelle sécurisation des captages. En effet, celle-ci est en premier lieu garantie par les périmètres de protection dans le cadre de la déclaration d’utilité publique (DUP). Ce dispositif réglementaire vise surtout à protéger les captages des pollutions ponctuelles (accidentelles ou volontaires). « J’ose espérer qu’il y a plus que 1 500 captages couverts par une DUP sur les 33 000 de France ! » s’exclame-t-elle.
Concernant les 100 captages abandonnés chaque année, Clotilde Hareau appelle à relativiser les choses, notamment sur les raisons de leur fermeture. « Plus de 200 molécules sont recherchées dans les analyses et il suffit d’un seul, parfois une molécule interdite depuis des années, pour que le captage soit menacé. Il faut aussi tenir compte de l’usure des installations, qui peut favoriser la survenue de pollutions. »
Les « bons acteurs » autour de la table
Clotilde Hareau dénonce également une accumulation des zones à contraintes, ce qui avait été relevé par Christian Durlin, le 28 mars à Lens. « On se rend compte que nous sommes concernés par une DUP, puis par une AAC, ensuite par des trames vertes et bleues… On se demande si tout cela ne finira pas par une disparition de tout ou partie de l’activité agricole, explique-t-elle. Sur le captage pour lequel je suis concernée, il m’est interdit d’épandre du fumier ou du lisier, alors que les apports minéraux sont autorisés. C’est un non-sens total. »
Concernant la réactivation du groupe national captage, Clotilde Hareau espère que les « bons acteurs » seront conviés. « Il est important que les acteurs les plus concernés par le sujet soient conviés », précise-t-elle.
Selon nos confrères de Contexte, l’association Générations futures sera « une nouvelle venue » du groupe national captage. Connue pour son discours tranché sur l’agriculture, en particulier les pratiques phytosanitaires, il ne reste plus qu’à attendre de voir si la profession agricole sera bien représentée, pour garantir un équilibre dans les négociations.
Enfin et concernant l’accompagnement, l’agricultrice donne une préférence au PSE (paiements pour services environnements), plutôt qu’aux MAEC (mesures agroenvironnementales et climatiques), dans la mesure où ils sont, selon elle, plus faciles à mettre en œuvre. « Un autre avantage des PSE réside dans la possibilité de financements par des fonds publics et privés. En Normandie, l’association Symbiose Normandie, créée à l’initiative de plusieurs partenaires agricoles dont la chambre d’agriculture, fait de la recherche de financement privé, au travers notamment de la RSE (responsabilité sociale et environnementale) des entreprises. »
(1) France Captages est une association nationale créée en 2012 à Sidiailles, dans le Cher. Elle fédère des associations locales d’agriculteurs et des propriétaires fonciers riverains de captages d’eau potable.