Accompagné de ses ministres de l’Économie, de l’Agriculture et de la Transition écologique, le Premier ministre a de nouveau pris la parole sur les questions agricoles le 21 février 2024. Il a notamment confirmé la publication du plan Ecophyto 2030 durant le Salon de l’agriculture et annoncé que le Nodu, indicateur « franco-français » laisserait place à l’indicateur européen HRI-1 pour le suivi des objectifs de réduction. C’était l’une des revendications portées par le syndicat majoritaire.

Refléter les progrès

Le Nodu reflète le nombre de doses vendues sans prendre en compte leur dangerosité. Contrairement à l’indicateur européen HRI-1 « calculé en multipliant les quantités de substances actives mises sur le marché dans les produits phytopharmaceutiques par un facteur de pondération », définit la Commission européenne.

Ainsi pour Eric Thirouin, président de l’AGPB, le Nodu ne reflète que peu voire pas les progrès réalisés par les agriculteurs. C’est ce qu’il expliquait lors des vœux à la presse de l’organisation le 17 janvier, prenant l’exemple d’une matière active nécessitant des passages plus nombreux qu’un produit plus efficace mais plus dangereux.

Manque de justification scientifique pour les ONG

À l’inverse, les ONG environnementales soutenaient cet indicateur français. « Le gouvernement a décidé d’écouter exclusivement les demandes de la FNSEA, ignorant les voix de la société civile et les autres voix du monde paysan », déplore Greenpeace par communiqué.

Pour Générations futures, la décision « est prise au mépris de l’avis des scientifiques chargés officiellement du suivi des indicateurs du plan », dont elle cite certaines explications. L’ONG estime notamment que l’utilisation de quantité de substances actives et non de doses d’usage dans le HRI-1 pose problème, et que « les valeurs de pondération utilisées pour le calcul de ces indicateurs sont arbitraires et ne sont étayées par aucun résultat scientifique». « L’usage de pesticides dangereux homologués à faibles doses donne ainsi un indicateur plus faible que l’usage de pesticides à bas risque employés en plus grande quantité homologuée, ce qui est totalement contre-productif dans l’optique d’une transition écologique de notre agriculture car pénalisant par exemple l’agriculture biologique », juge-t-elle.  

Avec dix autres organisations (1), l’ONG dénonce également « un détricotage » du plan Ecophyto . « Derrière un débat en apparence limité à la question de l’indicateur et de la période de suivi du plan se cache une volonté de dénaturer l’ambition même de la réduction des pesticides en France. Nous demandons à conserver un indicateur fondé sur les doses d’usage tel que le NODU. »

La Fnab demande de la souplesse

Les agriculteurs bio quant à eux, « déplorent l’abandon du Nodu, et proposent que le plan reste souple pour intégrer des indicateurs complémentaires dans les années à venir », indique la Fnab (fédération nationale de l’agriculture biologique) par communiqué. « On sait très bien que l’indicateur européen HRI-1 n’est pas vraiment adapté pour mesurer la réduction des pesticides. Les pays d’Europe devaient se mettre d’accord sur un nouvel indicateur cet automne et, même s’ils ont échoué, le sujet va revenir sur la table parce que plusieurs pays défendent justement le Nodu, comme la Belgique ou le Danemark » commente Philippe Camburet, président de l’organisation.

Concrétiser les initiatives

« Cette mesure ne vaut absolument rien sans un abandon pur et simple de l’objectif de 50 % de réduction de l’usage des phytos décidé sur un coin de table en 2008, et basé lui-même uniquement sur le volume », estime de son côté le Collectif sauvons les fruits et légumes.

Plus globalement dans un communiqué commun, CBG (betteraves), Fnams (multiplicateurs de semences), FN3Pt (plants de pommes de terre), PNPF (fruits), Légumes de France, ANPP (pommes poires), UNPT (pommes de terre), et UFS (semenciers) saluent « la prise de conscience du Premier Ministre […]. Nous demandons désormais que ces initiatives soient intégrées au projet de Loi d’orientation agricole, avec le soutien du Gouvernement, en cohérence avec les engagements du Premier Ministre. »

L’AGPB quant à elle, voit dans l’abandon du Nodu un choix « pragmatique et réaliste » et « attend à présent une traduction rapide de cette orientation dans les faits. » Elle demande également davantage d’éclaircissement sur les zones sensibles, « qui pourraient concerner jusqu’à 30 % des bassins de production et qui créeraient de facto une nouvelle situation de surtransposition ». Le gouvernement a toutefois indiqué que la stratégie Ecophyto 2030 « ne crée pas de nouveau zonage ». Selon Christian Durlin, administrateur à la FNSEA, le règlement européen SUR prévoyait des contraintes supplémentaires dans des zones sensibles : « Le projet ayant été abandonné, cette partie est sortie d’Ecophyto […] il n’y a pas lieu de faire de la surtransposition ».

1)France Nature Environnement, Fnab (fédération nationale de l’agriculture biologique), AMLP (alerte des médecins sur les pesticides), Humanité et biodiversité, LPO (ligue pour la protection des oiseaux), Eau et rivières de Bretagne, Réseau environnement santé, WWF France, Unaf (union nationale de l’apiculture française, réseau Civam.