Le 13 février 2025, le Premier ministre a reçu la FNSEA et Jeunes Agriculteurs pendant deux heures avec le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau. « Ça s’est bien passé. On continue d’avancer, on a passé en revue tous les dossiers. […] Sur la simplification, c’est encourageant. Maintenant, […] il faut que tout soit mis en place au moment du salon », a déclaré Arnaud Rousseau, le président de la puissante FNSEA, à sa sortie de Matignon. Arnaud Rousseau a qualifié le rendez-vous de « bonne réunion de travail », « on reste vigilant il y a encore du travail », ajoute-t-il.

« Ni défiance, ni complaisance », a-t-il résumé un peu plus tard lors d’un point avec la presse. « Ce serait malhonnête de notre part de dire que rien ne bouge », a relevé le président des JA, Arnaud Gaillot. Mais « ça mérite encore de maintenir une pression parce que ça a encore du mal à se traduire », a-t-il ajouté en regrettant notamment un nombre insuffisant de réunions avec Bercy.

Les syndicats reçus à l’Élysée

Les deux responsables se sont félicités que Gabriel Attal ait accepté le principe d’un point de suivi mensuel sur les mesures de simplification. Mais « que personne ne pense que parce que les tracteurs sont rentrés, les choses sont réglées », a insisté Arnaud Rousseau.

Emmanuel Macron recevra, quant à lui, la Coordination rurale et la Confédération paysanne le mercredi 14 février, avant la FNSEA et les JA la semaine prochaine, le mardi 20 février, selon Arnaud Rousseau, qui l’attend sur les sujets européens. Comme avant chaque Salon de l’agriculture, qui s’ouvre le 24 février à Paris, a précisé l’Élysée.

Un contexte particulier

« On comprend que tout ne va pas se faire en trois jours. Mais le président de la République, il ne va pas falloir qu’il arrive seulement avec de beaux discours au Salon de l’agriculture », a prévenu Arnaud Rousseau plus tôt dans la journée. Le président de la FNSEA a prévenu « les attentes du réseau sont toujours aussi élevées », il veut du concret pour le Salon.

Cette crise du monde agricole, nourrie par une profonde désespérance des campagnes face à l’incapacité de dégager « un revenu décent » et un quotidien corseté par une myriade de normes et contraintes administratives, est la plus grave depuis trente ans, estime la FNSEA.

Au bout de deux semaines de blocages, les manifestants ont levé le camp au début de février après trois salves d’annonces du gouvernement, dont plus de 400 millions d’euros de mesures d’urgence.

Mais les syndicats n’entendent pas relâcher la pression sur des sujets aussi sensibles que la simplification administrative, l’utilisation des pesticides ou encore l’élevage. Sur ce dernier sujet, Arnaud Rousseau a d’ailleurs montré son insatisfaction, regrettant le peu d’échanges avec le ministère de l’Agriculture, depuis dix jours, alors que le gouvernement a promis un grand plan élevage pour le Salon.

La base reste éruptive, à l’image du coup d’éclat des producteurs de lait indépendants venus mardi matin sur l’esplanade des Invalides à Paris avec une poignée de tracteurs, leur chef de file Adrien Lefevre promettant « d’autres moments forts de mobilisation ».

Une cinquantaine d’éleveurs de moutons se sont, quant à eux, rassemblés devant Bercy, estimant être « les grands oubliés » de la crise, alors que les aides aux éleveurs « concernent surtout les bovins ».

« Réunion de courtoisie »

Emmanuel Macron « a peur de faire un mauvais salon ». Du coup, il reçoit les agriculteurs « à toute vitesse », a dénoncé le vice-président du Rassemblement national, Sébastien Chenu, sur BFMTV et RMC.

Figure emblématique de la Coordination rurale (CR), deuxième syndicat, Serge Bousquet-Cassagne sera au rendez-vous de mercredi à l’Élysée, qu’il qualifie, auprès de l’AFP, de « réunion de courtoisie », jugeant, à son grand dam, que tout serait déjà décidé mardi à Matignon avec la FNSEA. « Cela aurait été bien plus constructif et mieux perçu que les syndicats soient reçus ensemble », a déclaré à l’AFP la présidente de la Coordination rurale (CR), Véronique Le Floc’h.

La Confédération paysanne est elle aussi « choquée » du traitement différencié des syndicats, affirmant que tous ne sont pas reçus dans les préfectures, où s’enchaînent les réunions pour compiler les arrêtés méritant simplification.

Un engagement fort attendu

Le ministre de l’Agriculture et sa ministre déléguée, Agnès Pannier-Runacher, verront « dans la semaine chacune des organisations syndicales », notamment pour évoquer un projet de loi visant à favoriser la transmission d’exploitations et l’installation de nouveaux agriculteurs, selon leur entourage.

Ce texte, reporté pour être enrichi face à la crise, devrait être présenté en conseil des ministres à la fin de février pour un vote « d’ici » à juin, a-t-on ajouté de même source. Arnaud Rousseau a insisté sur l’importance d’y intégrer un volet sur la compétitivité en plus de mesures de simplification, de souveraineté et des sujets sur l’installation et la transmission. Arnaud Gaillot a d’ailleurs indiqué qu’un travail était prévu sur un crédit d’impôt à la transmission et que, face à l’augmentation des taux d’emprunt, il souhaitait aussi remettre sur la table la possibilité d’accorder des prêts bonifiés.

Tous les syndicats agricoles attendent un engagement plus fort du gouvernement pour éviter une « concurrence déloyale ». Ils veulent voir limitées les importations produites suivant des normes environnementales moins-disantes, notamment pour la viande et le soja sud-américains, les céréales et le sucre ukrainiens.

Parmi les sujets sensibles, tant pour les agriculteurs que les défenseurs de l’environnement, figure le suivi des usages de pesticides, remis sur la table lundi à l’occasion d’une réunion du Comité d’orientation stratégique et de suivi du plan Ecophyto, que huit ONG environnementales ont quittée.

Ce plan, qui vise une réduction de moitié de l’utilisation des pesticides d’ici à 2030 (par rapport à 2015-2017), a été suspendu par Gabriel Attal « le temps de mettre en place un nouvel indicateur ». Une décision qui a satisfait la FNSEA, qui réclame l’abandon du Nodu, l’actuel indicateur de mesure des pesticides.