Les Vingt-Sept ont entériné le 19 décembre 2022 leur demande d'une nouvelle étude d'impact sur la réglementation visant à réduire l'usage des produits phytosanitaires dans l'Union européenne (UE), retardant les discussions sur ce texte, au grand dam d'ONG déjà indignées par la prolongation pour un an de l'autorisation du glyphosate.
Bruxelles avait détaillé fin juin sa feuille de route pour réduire de moitié d'ici 2030, comparé à la période 2015-2017, l'utilisation et les risques à l'échelle de l'UE des pesticides chimiques ou dangereux, en les bannissant quasi-complètement des aires naturelles protégées.
Ce projet de texte (règlement SUR) avait suscité une farouche résistance d'une partie des États membres, inquiets du sort des agriculteurs laissés "sans alternative" et d'une possible chute des rendements agricoles, alors que la guerre engagée en Ukraine par la Russie bouleverse les marchés mondiaux des céréales et des engrais.
Dans six mois
Après une discussion la semaine dernière des ministres de l'Agriculture, les États demandent à la Commission de fournir une analyse d'impact complémentaire sur le texte d'ici six mois, a indiqué lundi soir la présidence tchèque de l'Union européenne.
Si les États membres saluent "les objectifs de la proposition visant à réduire de 50 % l'utilisation et les risques des produits phytopharmaceutiques (PPP) au niveau de l'UE d'ici 2030, ainsi que l'utilisation de pesticides plus dangereux", ils estiment que "l'étude d'impact précédemment réalisée "est basée sur des données collectées avant le déclenchement de la guerre en Ukraine" et pourrait "ne pas tenir compte de l'impact à long terme sur la sécurité alimentaire" de l'UE, précise le communiqué.
Cette étude "ne fournit pas d'analyses quantitatives adéquates concernant l'impact potentiel sur le secteur agricole et l'augmentation potentielle de la dépendance alimentaire européenne", ajoute-t-il. Elle n'examine pas non plus "l'impact de l'interdiction proposée des produits phytopharmaceutiques dans les zones sensibles, en particulier compte tenu de la disponibilité limitée d'alternatives à faible risque aux pesticides chimiques ordinaires, et sans exigences similaires pour les aliments importés sur le marché de l'UE.
En attendant, "seuls les travaux au niveau technique sur les points non concernés se poursuivront", note le communiqué, rappelant que les Vingt-Sept attendent aussi "des flexibilités" dans les objectifs nationaux assignés à chaque État.
Règlement menacé selon les ONG
Les ONG environnementales redoutent que le délai entraîné par l'attente d'une nouvelle étude empêche la réglementation, qui devra in fine faire l'objet de négociations entre Etats et eurodéputés, d'être adoptée avant les élections européennes de 2024.
Avec cette décision, qui "n'a été validée la plupart du temps que par les seuls ministres de l'Agriculture sans réelle concertation avec les autres ministères concernés (Environnement, Santé...)", le "processus de négociation politique va donc être quasi à l'arrêt pendant 6 mois", a déploré le 20 décembre l'association Générations futures dans un communiqué. L'association estime que le projet de règlement sur les pesticides "est maintenant menacé dans son existence même suite aux manœuvres de l'agro-industrie".
"C'est une stratégie pour tuer ce plan anti-pesticides, en utilisant la crise alimentaire liée à l'Ukraine comme justification, mais cette opposition s'inscrit dans la protection des grands intérêts agricoles", estimait début décembre Helmut Burtscher-Schaden, expert de l'ONG autrichienne Global 2000 et co-initiateur de l'initiative "Save Bees and Farmers".
De son côté, la Copa Cogeca, fédération qui représente les intérêts des agriculteurs au niveau européen, s'est "félicitée" de cette décision. "À la lumière des circonstances actuelles, il est crucial que les rendements agricoles restent stables pour produire suffisamment de produits de haute qualité et abordables", a-t-elle déclaré dans un communiqué.