Le projet de loi permettant de nouvelles dérogations à l’interdiction des néonicotinoïdes sera présenté jeudi, a annoncé le 31 août 2020 le ministre de l’Agriculture Julien Denormandie sur RMC/BFMTV.
« Il y aura dérogation, en tout cas il y aura présentation d’un projet de loi dès cette semaine en conseil des ministres », a précisé le ministre de l’Agriculture, pour « permettre des dérogations à ces néonicotinoïdes quand il y a une urgence sanitaire ».
Les planteurs de betteraves avaient réclamé de pouvoir les utiliser (alors qu’ils sont interdits depuis 2018, NDLR) pour s’attaquer aux pucerons verts, vecteurs du virus de la jaunisse qui fait s’effondrer les rendements cette année.
Dérogation dès 2021 et jusqu’en 2023 au plus tard
Le gouvernement a annoncé au début d’août viser une modification législative à l’automne pour les autoriser à utiliser dès 2021 et jusqu’en 2023 au maximum, sous « conditions strictes », des semences de betteraves enrobées de cet insecticide afin de « pérenniser » la filière sucrière française.
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« Je présente cette loi avec (la ministre de la Transition écologique) Barbara Pompili avec un seul objectif, c’est la betterave sucrière », a affirmé Julien Denormandie, avant de reconnaître que « la loi ne l’écrit pas comme ça », ouvrant la voie à des dérogations dans d’autres secteurs.
Les producteurs de maïs ont déjà réclamé au début d’août de pouvoir à leur tour bénéficier d’une dérogation pour utiliser des pesticides à base de néonicotinoïdes pour lutter contre les mouches.
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Urgence à agir
Selon le ministre de l’Agriculture, il y a urgence à agir contre la jaunisse de la betterave pour sauver le secteur qui, en France, premier producteur de sucre européen, concerne 46 000 emplois. « C’est une question de souveraineté et d’indépendance, a-t-il martelé. Moi, je ne veux pas laisser tomber la filière de la betterave et que demain mes enfants ne mangent que du sucre belge ou allemand. »
Julien Denormandie a également justifié ce projet de loi par le manque de « solution technique » à la jaunisse de la betterave. Cet argument ne tient pas pour des ONG qui font valoir que les betteraves cultivées en bio sont peu touchées par cette maladie, et ont pour 18 d’entre elles demandé au ministre de s’opposer aux dérogations.
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Travaux parlementaires
Parallèlement à la présentation du projet de loi en Conseil des ministres, les travaux parlementaires démarrent. « Les néonicotinoïdes font partie des sujets qui vont être abordés lors de la réunion du groupe en charge de l’agriculture de LREM, la République en marche, le 2 septembre 2020, en présence du ministre de l’Agriculture », nous a précisé Jean-Baptiste Moreau (LREM), député de la Creuse, le 31 août 2020.
Le texte devrait passer en commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale le 22 ou le 23 septembre 2020, avant un examen en séance plénière au début d’octobre.
Débats enflammés
Le député anticipe des « débats forcément un peu enflammés » mais il reste optimiste sur le fait d’avoir une majorité : « Le texte devrait passer sans trop de problèmes, juge Jean-Baptiste Moreau. Il y aura des oppositions peut-être en interne, avec une dizaine de députés, mais il n’est pas sûr qu’elles soient très virulentes. Et pas sûr que tous les socialistes s’y opposent, notamment ceux en zone betteravière. »
Mais « médiatiquement il va falloir développer des arguments rationnels et encadrés auprès des députés, alerte Jean-Baptiste Moreau. Une visite d’une parcelle betteravière est prévue le 21 septembre 2020 avec des députés de la commission des affaires économiques « pour leur montrer l’étendue des dégâts », précise-t-il.