Les conséquences de l’inflation et de la remontée des taux d’intérêt sur la demande agricole font fortement chuter les prix cette semaine. L’affaissement des prix du pétrole, l’arrivée des moissons dans l’hémisphère Nord et la prévision de pluies sur le Midwest à court terme contribuent aussi à ce fort décrochage.

Les perspectives de réduction de demande agricole pèsent sur les prix

Faisant suite aux annonces et perspectives de remontée des taux d’intérêt partout dans le monde, il s’est produit au cours de la semaine une nette correction baissière sur tous les marchés des grains. À cela se sont ajoutées les diverses publications, comme celle de la Banque mondiale au début de juin, illustrant l’impact de cette remontée des taux et de l’inflation sur l’activité économique.

 

En effet, certains opérateurs (investisseurs institutionnels surtout) ont décidé de vendre une partie de leurs positions pour réduire leur risque. Les investisseurs viennent donc de réagir à la perspective d’une réduction possible de la demande en matières premières. Cette réduction de la demande est attendue, et depuis plusieurs mois déjà, intégrée dans les bilans prévisionnels des analystes fondamentaux.

 

Par exemple, les utilisations de blé par le secteur animal mondial vont chuter à cause du marasme du secteur. La consommation humaine de blé ne va pas augmenter autant que prévu car plusieurs pays ne pourront pas faire face au haut niveau des prix actuels (l’Égypte a par exemple réduit sa demande à la fin de la campagne commerciale de 2021-2022 d’au moins 600 000 tonnes par rapport à ce que nous avions prévu avant la guerre).

Colère de Biden concernant le pétrole aux États-Unis et inquiétude pour le gaz en Allemagne

Sur le créneau de l’énergie, il faut souligner le bras de fer aux États-Unis entre l’administration Biden et Big Oil (l’union des grands raffineurs). Le président américain reproche à l’industrie pétrolière de ne pas tout faire pour limiter le prix de l’énergie et lui demande d’accroître sa production, après la chute pendant la crise sanitaire du Covid.

 

Une réunion a eu lieu cette semaine entre le secrétaire américain à l’énergie et l’union des raffineurs sur cette question, entre autres. La perspective d’une augmentation de la production de pétrole aux États-Unis, si la demande du gouvernement est suivie d’effet, ainsi que le maintien de l’engagement de l’Opep d’accroître sa production à partir d’août, ont pesé cette semaine sur le prix du pétrole qui se rapproche des 104 $ le baril alors qu’il était encore proche de 120 $ le baril la semaine dernière.

 

Cette baisse des prix du pétrole constitue un des facteurs qui a poussé les prix des fertilisants et des grains, oléagineux surtout, vers le bas cette semaine. Il conviendra toutefois de suivre de près les hausses effectives de production de pétrole car l’Opep a fortement réduit ses capacités pendant la crise du Covid.

 

Remonter rapidement sa production, en partie aussi pour combler la chute de la production russe, représente ainsi un défi. S’il n’y parvient pas, les prix du pétrole risquent de repartir vers le haut et cela viendrait alors accroître encore les risques de récession.

 

C’est également ce qui pourrait se passer si l’offre de gaz continue de décroître en Europe, en Allemagne par exemple. Ce pays vient de se décréter en « étape d’alarme » (selon les différentes étapes de son plan d’urgence concernant le gaz) à cause des fortes coupes effectuées par la Russie (prétendument pour des raisons techniques) des livraisons via le pipeline Nord Stream 1.

 

Cette annonce de l’Allemagne signifie qu’elle prévoit un grand risque pour son approvisionnement pour le moyen terme. Cela représente un gros danger pour l’économie du pays, selon son ministre de l’économie, qui mentionne que cela pourrait entraîner « un effet systémique Lehman Brothers dans le monde énergétique ».

10 % de baisse en une semaine pour le prix du blé français

Le blé vaut près de 360 €/t rendu Rouen actuellement (nouvelle récolte), soit 35 €/t de moins que vendredi dernier. Sur Euronext, les cotations pour les échéances septembre et décembre avaient perdu chacune 29 €/t en milieu de matinée ce vendredi par rapport à leur clôture du 17 juin dernier. Le blé français vaut maintenant environ 387 $/t Fob Rouen (le taux de change euro/dollar restant très bas à près de 1,05 dollar pour 1 euro).

 

La vague de baisse n’est pas un phénomène qui touche uniquement les blés européens. Toutes les origines lâchent du lest, la plus forte chute concernant les blés américains qui abandonnent 60 $/t cette semaine à 425 $/t pour le blé de bonne qualité meunière HRW et 360 $/t Fob Gulf pour le blé de qualité meunière passable SRW.

 

Le mouvement affecte aussi les prix russes, mais beaucoup plus modérément : ces derniers chutent de 20 $/t « seulement », à 410 $/t Fob Novorossiysk. Les blés ukrainiens suivent aussi (–23 $/t) à 300 $/t. Ces blés valent beaucoup moins cher que toutes les autres origines car ils sont sans grande possibilité d’exportation pour l’instant et doivent faire face à d’énormes frais pour les quelques volumes qui parviennent à quitter le pays via la frontière ouest.

 

Les prix du blé ont subi l’impact des craintes liées au ralentissement de l’économie mentionnées ci-dessus et ont aussi bougé au gré des discussions concernant la mise en place éventuelle de corridors sécurisés pour l’exportation des céréales ukrainiennes.

 

De nouvelles réunions entre l’ONU, la Russie, la Turquie et l’Ukraine sont attendues dans les jours qui viennent, ce qui a relancé l’espoir d’une ouverture des ports ukrainiens. Nous restons, pour notre part, très sceptiques sur les possibilités de mise en place de ces corridors à cause des risques militaires que cela représente pour l’Ukraine.

 

> À lire aussi : Le transport des céréales ukrainiennes en mer Noire s’organise (21/06/2022)

 

Les nouveaux bombardements à Mykolaïv cette semaine, qui ont touché les silos des sociétés Bunge et Viterra (qui a racheté Glencore) restent de très mauvais augure quant au déblocage rapide des ports ukrainiens.

 

> À lire aussi : Deux terminaux agricoles bombardés dans le port de Mykolaïv (23/06/2022)

L’arrivée des récoltes pèse également sur les prix du blé

La conséquence baissière sur les prix a été renforcée par l’arrivée des récoltes dans l’hémisphère Nord, notamment dans l’Union européenne où les premiers résultats ne sont pas très reluisants après les sécheresses du printemps en Italie, en Espagne ainsi qu’en France.

 

Elle a également été renforcée par les nouvelles estimations concernant la récolte de blé russe qui se dirige vers le niveau de 90 millions de tonnes (plus de 85 en tout cas). Contrairement à ce que la Russie laisse entendre, ses exportations de blé ne sont pas entravées par les sanctions internationales. Certes elles sont rendues plus difficiles à cause des sanctions bancaires, mais elles se poursuivent même si les opérateurs ne s’engagent pas beaucoup à l’avance.

 

Sur le front des affaires, on peut souligner un achat important de l’Algérie cette semaine pour 600 000 tonnes environ, chargement en août, à un prix de 445 $/t à destination qui laisse penser que des blés français font probablement partie des origines possibles pour servir cet achat. La Tunisie a acheté de son côté 100 000 tonnes pour chargement sur juillet-août.

 

La Sago, l’organisme étatique d’achat de l’Arabie, a confié à la compagnie Salic (compagnie saoudienne d’investissements en agriculture et production animale) le soin d’acheter 540 000 tonnes de blé pour une arrivée en Arabie entre août 2022 et janvier 2023. De plus, la Salic vient de terminer en deux temps les achats correspondants.

L’orge aussi perd 10 % de son prix

Après son regain de la semaine dernière, l’orge perd 35 €/t cette semaine, à 313 €/t rendu Rouen pour la nouvelle récolte. Sa baisse est due aux mêmes facteurs que ceux mentionnés pour le blé ci-dessus (impact des révisions en baisse de l’activité économique, arrivée des moissons, discussion sur les corridors d’exportation en mer Noire).

 

En dollar, les orges françaises valent maintenant entre 330 et 335 $/t (–33 $/t au cours de la semaine). Elles ont baissé plus fortement que les orges australiennes qui abandonnent 5 $/t seulement à 370 $/t ou que les orges russes (–13 $/t à 350 $/t).

 

L’Australie reste la principale origine à fournir la demande du Proche-Orient actuellement. Cela peut expliquer le prix soutenu des orges australiennes. Les orges françaises sont tout de même en train de se battre sur ce créneau, comme en atteste le bateau de 63 000 tonnes qui vient de « charger » à La Pallice en direction de l’Iran.

 

Toutefois, il semble que les flux français vers l’Iran (d’autres chargements devraient suivre) se font en remplacement d’exportations vers la Chine, dont la demande fourragère demeure au point mort actuellement à cause de la concurrence du maïs et du marasme du secteur porcin dans ce pays (même si l’on note une remontée du nombre de truies au mois de mai).

 

Du côté brassicole, les prix ne suivent pas du tout le mouvement de baisse du blé et de l’orge fourragère. La demande de l’industrie est soutenue actuellement, le manque d’orges encore disponibles de la récolte de 2021 et les craintes concernant la production d’orge de printemps « boostant » les achats. Le prix des orges de printemps reste stable à 450 €/t Fob Creil et celui des orges d’hiver ne perd que 7 €/t à 405 €/t.

Chute marquée pour le prix du maïs

De même, les prix du maïs français ont nettement chuté mais la baisse a été plus forte sur la façade atlantique que sur le Rhin. Le prix Fob Bordeaux de la récolte de 2021 perd 38 €/t à 299 €/t (base juillet) tandis que le prix Fob Rhin perd 15 €/t en ancienne récolte à 315 €/t (base juillet) et 20 €/t pour celui de la récolte de 2022 à 320 €/t.

 

Le maïs est aussi concerné par la révision en baisse de l’activité économique et les discussions sur les corridors de la mer Noire. Par ailleurs, avec l’arrivée des récoltes de céréales à paille en Ukraine, on peut se demander si le maïs gardera la place qu’il a aujourd’hui (près de 80 %) dans le total des céréales ukrainiennes exportées par voie terrestre vers l’Union européenne en mai et juin.

 

Cette compétition potentielle du blé et de l’orge constitue un facteur baissier pour le prix du maïs ukrainien. Cela peut aussi expliquer la moindre sensibilité à la baisse du maïs français Fob Rhin (soutenu par la demande nord-européenne) que celui de la façade atlantique.

 

Outre Atlantique, le temps annoncé pour les prochaines semaines apparaît favorable aux États-Unis pour le développement des plants de maïs (suffisamment de précipitations). Cette nouvelle a pesé aussi sur les prix cette semaine de même que la confirmation au Brésil d’une seconde récolte de maïs meilleure que prévu (–30 $/t pour les maïs US et brésilien à 213 et 289 $/t respectivement).

Chute libre pour les cours du colza

Cette semaine, les cours du colza en France ont fortement chuté sous l’effet d’une forte inquiétude pour la demande, dans un contexte de craintes de récession économique. Ces dernières ont pesé sur les marchés, « plombant » en premier lieu les cours du pétrole, en baisse de 11 % cette semaine.

 

Cela impacte à la baisse les cours des huiles, dont l’huile de colza. Cette dernière est également sous la pression des discussions toujours en cours en Allemagne pour abaisser les mandats d’incorporation de biodiesel de première génération.

 

Par ailleurs, l’Allemagne et le Royaume-Uni font pression sur les pays du G7 pour qu’ils réduisent leurs obligations d’incorporation, afin de libérer des volumes d’huiles à destination de l’alimentation.

 

En parallèle, les cours de l’huile de palme ont également dégringolé, à la suite de la reprise des exportations de l’Indonésie (souhaitant accélérer ses exportations) et de la hausse de production attendue en Malaisie (arrivée possible de travailleurs étrangers dans les palmeraies).

 

Enfin, la remontée du nombre de cas deCovid-19 en Europe fait craindre de nouvelles mesures sanitaires, alors que les grandes périodes de déplacements estivales sont sur le point de commencer.

 

Finalement, sous la pression du pétrole et des huiles, les prix du colza en France se sont effondrés de plus de 100 €/t cette semaine à Rouen (à 654 €/t) et de 96 €/t en Fob Moselle (à 663 €/t). Les prix de la graine se sont également repliés en raison des semis de canola au Canada à présent terminés, avec des conditions de cultures plutôt correctes.

 

Les prix de la graine canadienne ont eux aussi chuté, de plus de 150 $/t sur juillet, entraînant dans leur sillage ceux de leurs concurrentes européennes. Les semis de canola en Australie se sont déroulés dans de bonnes conditions globalement. Cela a aussi contribué à une diminution des prix.

Nouvelle baisse des prix du tournesol

Les cours de tournesol ont de nouveau reculé depuis la semaine dernière. D’abord, les récoltes de tournesol s’annoncent très prometteuses et devraient atteindre des plus hauts niveaux historiques en Europe grâce à des surfaces en nette progression.

 

D’autre part, les origines européennes subissent une forte concurrence de la graine ukrainienne. Celle-ci est très attractive rendue Union européenne et des achats très dynamiques se font depuis quelques mois par les pays de l’Est européen surtout.

 

Le marché se retrouve ainsi dans une situation de surplus, car les volumes triturés de tournesol sont limités par la capacité de trituration (qui est actuellement maximisée). Les opérateurs anticipent en réalité un fort besoin d’approvisionnement pour les mois à venir et constituent des stocks, ce qui pèse sur les cours.

 

Les prix sont également sous la pression d’un marché de l’huile de tournesol très baissier. Le prix de l’huile de tournesol (–140 $/t à Rotterdam en une semaine) cède du terrain à cause des mêmes éléments que pour l’huile de colza. Dans ce contexte baissier, le prix du tournesol oléique recule de 55 €/t à Saint-Nazaire (en nouvelle récolte).

 

La graine ukrainienne rendue Ouest-Union européenne s’est par ailleurs dépréciée de 43 $/t. En effet, en Ukraine, des stocks de tournesol conséquents sont bloqués depuis le début de la guerre et la fermeture de la majorité des usines de trituration. Quelques usines ont toutefois continué de fonctionner pour alimenter le marché intérieur en huile. Des exportations d’huile sont également effectuées par les frontières ouest du pays vers les pays européens voisins.

 

En revanche, les ventes sont beaucoup moins dynamiques pour le tourteau de tournesol. Cela a entraîné l’accumulation de stocks importants de tourteau chez les triturateurs, rajoutant ainsi un élément pesant sur le prix intérieur du tournesol, qui chute à près de 350 $/t en Ukraine.

Les prix mondiaux du soja ne sont plus au sommet

La baisse des cours mondiaux du soja s’accentue cette semaine. Sur le marché à terme de Chicago, le prix pour le contrat de juillet a perdu 7 % en sept jours pour s’afficher à 585 $ la tonne.

 

Il en est de même au Brésil, où le cours a reculé de 8 % à 614 $/t. Les prix décrochent ainsi des pics atteints au début de juin pour s’afficher à des niveaux proches de mai. Ils restent tout de même à des niveaux historiquement élevés pour la période.

 

D’une part, les conditions météorologiques s’annoncent meilleures pour les cultures de soja aux États-Unis, avec une météo prévue pluvieuse sur les prochains jours. De quoi rassurer au sujet des rendements.

 

D’autre part, la chute du prix du pétrole et le fort repli des prix des huiles ont entraîné avec eux une baisse du prix de la graine de soja. Les craintes d’une récession mondiale créent une ambiance incertaine sur le marché international, et font pression sur les prix du soja, comme sur les autres oléagineux.

 

De plus, le cours du soja en Chine a dégringolé cette semaine, à la suite de la remontée des stocks de tourteau sur le marché chinois en une semaine, en conséquence d’une faible demande des éleveurs.

Tourteau de soja : repli dans le sillage des cours mondiaux du soja

Cette semaine, la baisse est de mise sur le marché du tourteau de soja, dans le sillage du repli des prix mondiaux de la fève de soja. À 470 $ la tonne, le cours à Chicago a perdu 1 % sur le rapproché et 3 % sur le contrat de décembre. À Montoir, le prix du tourteau de soja sur le rapproché recule de 1 % également pour s’établir à 516 €/t. Le Fob argentin quant à lui perd aussi 1 % et atteint 469 $/t sur le rapproché.

 

En Chine, la trituration a rebondi de manière significative la semaine dernière. Selon les données du Centre national d’information sur les céréales et l’huile (CNGOIC), le niveau de trituration a atteint 1,88 million de tonnes, dépassant légèrement les attentes du marché (à 1,8 million de tonnes). Par ailleurs, les marges théoriques de trituration tendent à s’améliorer dans le pays, notamment sur l’éloigné.

 

Toutefois, la demande en tourteau demeure molle au vu de la faible rentabilité des élevages, bien que la hausse du prix du porc depuis mai laisse augurer de meilleures perspectives à moyen terme. Avec une production élevée et une faible demande, les stocks en tourteaux de soja progressent et pèsent fortement sur les prix.

 

Le pois fourrager a suivi le climat baissier sur les marchés de céréales et d’oléagineux. Il recule de 24 €/t sur la semaine à 393 €/t départ Marne, pour des livraisons sur juillet-décembre.

À suivre : prix du pétrole et du gaz, discussions sur les exportations ukrainiennes, taille des récoltes de céréales dans l’hémisphère Nord, conditions climatiques en Amérique du Nord (soja, canola), dans l’Union européenne et en mer Noire (tournesol), avancée des moissons de colza dans l’Union européenne, contexte économique mondial, politique d’exportation de l’huile de palme en Indonésie (taxes, quotas), situation sanitaire (Covid).