Les prix des céréales sont restés comprimés cette semaine du fait de l’arrivée des récoltes et les très bonnes perspectives de récolte en Russie. Les conséquences de l’inflation sur la demande pèsent aussi. En oléagineux, c’est au contraire une correction haussière qui vient de se produire dans le sillage du pétrole notamment.

Le prix du blé continue de s’affaisser

Peu de variations à mentionner pour les prix du blé français pour la période estivale mais on note cette semaine un nouveau décrochage des prix cotés pour les mois d’hiver (–12 €/t rendu Rouen à 350 €/t pour la période d’octobre à décembre).

 

Sur Euronext, la pente baissière s’est maintenue malgré quelques sursauts momentanés. En une semaine, les échéances de septembre et de décembre 2022 ont abandonné près de 12 €/t à 345 €/t en milieu d’après-midi aujourd’hui pour l’échéance de septembre. L’ensemble des autres origines mondiales de blé ont vu aussi leur prix baisser encore cette semaine avec des chutes de 10 $/t en Argentine, de 15 $/t aux États-Unis et de 20 $/t en Russie.

 

Les prix du blé sur le marché mondial restent ainsi influencés actuellement par l’arrivée des moissons dans l’hémisphère Nord et par des révisions en hausse des récoltes en Russie et aux États-Unis. Dans ce dernier pays, la récolte de blé sera basse à cause de la sécheresse qui a fortement handicapé le développement des blés d’hiver mais la surface des blés de printemps se relève, quant à elle, après les forts déboires de l’an passé.

 

Le 30 juin, l’USDA (ministère américain de l’Agriculture) publié une nouvelle estimation de la surface de blé semée aux États-Unis et cette estimation s’est avérée légèrement supérieure à la moyenne attendue par les opérateurs, contribuant à pousser les prix vers le bas.

 

En Russie, les premiers résultats et les observations dans le sud du pays viennent renforcer la perspective d’une très bonne récolte, à 89, voire 90 millions de tonnes (75 millions de tonnes en 2021). Une récolte de cette taille devrait conduire à des exportations proches de 40 millions de tonnes (33 en 2021-2022).

 

Si les blés russes ne sont pas « boudés » par les importateurs, ce potentiel d’exportation constitue un élément baissier de taille d’autant plus que le gouvernement russe est en train de modifier la formule de calcul de la taxe d’exportation (celle-ci va probablement diminuer en conséquence).

Gros achat de l’Égypte cette semaine en blé

Les négociations se poursuivent encore sur le sujet des exportations de l’Ukraine au départ des ports de la mer Noire. Comme déjà mentionné, nous pensons que l’Ukraine restera très prudente quant à l’ouverture de ses ports.

 

Néanmoins, la reprise de l’île aux Serpents hier par les forces armées ukrainiennes est peut-être de nature à changer la donne. Les forces russes sur cette île rendaient très dangereuse la circulation de navires marchands dans l’ouest de la mer Noire. Cela présenterait peut-être moins de risques maintenant.

 

En France, la récolte de blé vient de commencer et les prévisions sont modérées. Arvalis vient d’annoncer une prévision de rendement à 6,95 t/ha, ce qui correspond aussi à nos estimations. Cela devrait représenter une baisse de près de 2 millions de tonnes par rapport à l’an dernier.

 

Les blés français sont attractifs actuellement, comme en atteste la grosse vente récente à l’Égypte. Celui-ci, rattrapant une partie de son retard, a réalisé un très gros achat cette semaine de 815 000 tonnes, dont 350 000 tonnes de la France, 240 000 de la Roumanie, 175 000 de la Russie et 50 000 de Bulgarie.

 

L’Arabie Saoudite était de nouveau « au marché » avec un achat conséquent de 495 000 tonnes par la Sago (office d’État). Ces achats illustrent les besoins des importateurs et l’opportunité qu’ils saisissent après les baisses de prix récentes.

Le prix de l’orge se stabilise

Après la forte baisse de la semaine dernière, l’orge fourragère perd 2 €/t cette semaine, à 311 €/t rendu Rouen pour la nouvelle récolte. Cela représente une chute de 6 $/t (l’euro s’est encore affaissé face au dollar), à 327 $/t. L’orge russe a baissé aussi et les deux origines se retrouvent à des prix proches désormais.

 

Un phénomène marquant actuellement est le manque d’attractivité de ces orges par rapport au maïs si bien que les perspectives d’exportations vers la Chine sont en train de s’amenuiser au profit des maïs, américains notamment. La Jordanie vient toutefois de relancer un nouvel appel d’offres pour 120 000 tonnes d’orge sur le marché mondial. Sa demande ne se dément pas, soutenue par les gros besoins d’un cheptel de moutons en forte progression.

 

Sur le créneau brassicole, les prix n’ont pas bougé à 450 €/t pour les orges de printemps et 405 €/t pour les orges d’hiver Fob Creil. La prime entre les orges fourragères et celles de printemps se maintient à un niveau très élevé en raison de la tension qui s’annonce sur le marché de l‘orge de brasserie pour la seconde année consécutive.

Les prix des maïs français en baisse

Sur la façade atlantique, le maïs Fob Bordeaux de la récolte de 2021 a perdu 10 €/t en une semaine, à 289 €/t (base juillet). La baisse a été plus prononcée dans l’est de la France pour le maïs Fob Rhin (–25 €/t) qui s’élève à 290 €/t (base juillet) pour la récolte de 2021.

 

Pour la récolte de 2022, la cotation Fob Rhin s’affiche à presque 300 €/t (base juillet). Les prix français retrouvent ainsi leur niveau le plus bas depuis le début de la crise ukrainienne mais restent tout de même plus élevés qu’avant le début du conflit. Cette baisse est principalement la conséquence de la chute des cours mondiaux, et notamment américains au tout début de la semaine.

 

Le marché des céréales a en effet intégré le ralentissement de l’activité économique, qui pèse notamment sur la demande mondiale de maïs. Néanmoins, les prix américains sont remontés modérément à la fin de la semaine à cause des fortes températures aux États-Unis qui ont dégradé les conditions de culture des maïs.

 

Toutefois, la remontée des prix américains est restée modérée par la publication hier des statistiques de l’USDA. Les stocks au 1er juin se confirment en hausse d’une année sur l’autre et la surface semée aux États-Unis a été relevée, conformément à ce que nous attendions. Par ailleurs, les températures devraient revenir à des niveaux plus proches des normales.

 

Au Brésil, la récolte de maïs avance bon train et les rendements semblent pour le moment proches des attentes. En France, les récentes pluies devraient avoir été bénéfiques pour les maïs même si des dégâts de grêle sont à déplorer ci et là.

Rebond notable des prix du colza

La chute des prix du colza la semaine dernière a laissé place cette semaine à une remontée des cours de la graine, principalement dans le sillage du pétrole, de l’huile de palme, du soja et du canola.

 

Au début de juin, les pays de l’Opep (Organisation des pays exportateurs de pétrole) avaient décidé d’augmenter leur production à 648 000 barils par jour pour juillet et août (contre 432 000 précédemment). Ces niveaux de production sont jugés toujours insuffisants par les pays occidentaux, ce qui soutient le prix du baril.

 

La prochaine rencontre entre les pays producteurs de pétrole début juillet ne laisse pas présager une nouvelle augmentation. Par ailleurs, la réduction de la quarantaine pour les voyageurs en Chine soutient les cours du pétrole, redonnant l’espoir d’une croissance chinoise plus forte qu’envisagé auparavant.

 

Les cours de l’huile de palme, quant à eux, ont été tirés par la fermeture temporaire de certaines usines en Malaisie, en raison de la forte chute des prix la semaine dernière, et par le projet de l’Indonésie, en cours d’étude, d’augmenter le taux d’incorporation du biodiesel dans sa production de carburant.

 

Enfin, les cours du canola canadiens ont augmenté cette semaine, soutenus par une bonne demande des triturateurs, favorisée par les marges de trituration rémunératrices.

 

En conséquence, les cours du colza en France ont rebondi de 33 €/t cette semaine, atteignant 687 €/t rendu Rouen et 696 €/t en Fob Moselle. Le marché est toutefois suspendu à de nombreuses incertitudes d’ordre économique (ampleur de la récession attendue), politique (réduction possible des obligations d’incorporation de biodiesel), logistique (capacité de l’Ukraine à exporter sa nouvelle récolte) et climatique (pour le développement des cultures de canola en Australie et au Canada).

Les prix du soja se redressent

Les cours du soja regagnent un peu de hauteur après avoir chuté la semaine passée. À Chicago, la tonne de soja a bondi de 30 $/t (à 615 $/t) sur le rapproché. Le Fob brésilien a, quant à lui, progressé de 25 $/t sur le contrat de juillet 2022.

 

D’une part, des températures très élevées aux États-Unis ont entraîné une légère dégradation de l’état des cultures. 65 % des soja américains présentent des conditions « bonnes à excellentes », soit une baisse de 3 points en une semaine. Ce niveau reste néanmoins plutôt correct, et une amélioration des conditions climatiques est attendue dans les jours à venir.

 

D’autre part, la publication le 30 juin 2022 du rapport de l’USDA, sur les surfaces ensemencées et les stocks au 1er juin, a révélé une surface de soja inférieure aux attentes. Néanmoins, cela n’a eu que peu d’effet sur les prix, étant donné qu’une mise à jour de ce chiffre de surfaces est attendue pour le mois d’août. Les États où les semis ont été les plus tardifs devraient voir la surface de soja corrigée d’ici là par le département américain de l’Agriculture.

 

Par ailleurs, les stocks au 1er juin de soja se sont avérés supérieurs à l’an dernier, ce qui suggère que la campagne de 2022-2023 pourrait démarrer aux États-Unis avec un peu plus de stocks de report que prévu. Cela a tempéré la hausse des cours du soja de la nouvelle récolte sur la semaine, qui s’établit à +16 $/t pour le contrat de novembre 2022 au 30 juin.

 

En outre, une grève des transporteurs en Argentine a empêché le fonctionnement normal de plusieurs ports argentins depuis le 22 juin, ce qui a apporté un soutien aux cours mondiaux durant la semaine. La grève a toutefois pris fin après la clôture de Chicago. Les exportations argentines risquent d’être encore perturbées par des mouvements sociaux dans les semaines et mois à venir, étant donné les difficultés économiques auxquelles est confrontée la population, en raison d’une inflation galopante et d’un effondrement du peso argentin.

 

Enfin, la fermeté du prix de l’huile de soja et plus généralement, du marché de l’énergie, a aussi contribué à soutenir le cours du soja. À Chicago, la cotation de l’huile de soja pour le contrat de juillet a progressé de plus de 7 % cette semaine.

Rebond des prix du tourteau de soja

À Montoir, le tourteau de soja progresse de 22 €/t et atteint 538 €/t sur le rapproché. Les prix étaient attractifs la semaine dernière, ce qui a entraîné un rebond des achats des fabricants d’aliments, et a finalement fait remonter les cours.

 

À Chicago, la tonne de tourteau de soja gagne 48 $/t (à 518 $/t) sur le rapproché. Le prix du tourteau à Chicago a bondi surtout à la fin de la semaine à la suite de la publication de stocks de soja américains au 1er juillet supérieurs aux attentes, ce qui suggère une trituration de soja, et donc une production de tourteau de soja, inférieure à ce qui était prévu par les opérateurs.

 

Toutefois, les stocks de tourteaux tendent à augmenter sur un marché mondial où la demande reste morose. Par exemple, en Chine, les stocks de tourteaux de soja ont progressé de 30 000 tonnes la semaine dernière. En un an, ils bondissent de 80 000 tonnes, selon les données du Centre national d’information sur les céréales et l’huile (CNGOIC).

 

Cela a entraîné une légère baisse de la trituration en Chine la semaine dernière à 1,81 million de tonnes (contre des attentes de marché à 1,85 million de tonnes). Les besoins en tourteaux dans ce pays restent globalement faibles même si la demande pourrait s’améliorer avec le prix du porc qui continue de progresser et l’allégement des restrictions sanitaires en Chine.

 

Dans l’Union européenne, la demande en tourteaux est aussi en repli. Depuis le 1er juillet, les importations ont reculé de 5 % par rapport à un an plus tôt, selon la Commission européenne.

 

La grippe aviaire continue d’avoir des effets sur les filières avicoles. Les éleveurs préfèrent réduire leurs mises en place. Même situation pour les filières porcines européennes dont le cheptel et la production se contractent face aux marges qui sont affectées par des charges élevées, aliments et énergie notamment.

Le pois recule

Le début des récoltes en France et une faible demande, le pois étant peu attractif face à ses concurrents dans les aliments composés, ont entraîné un léger recul des prix. Le pois fourrager départ Marne vaut désormais 380 €/t (–7 €/t en une semaine).

Chute du prix du tournesol

Contrairement aux autres oléagineux, le tournesol voit son prix s’effondrer cette semaine. Il a été notamment tiré vers le bas par le cours de l’huile de tournesol, qui chute de 600 $/t sur la semaine à Rotterdam (et tombe à 1 640 $/t). Le tournesol à Saint-Nazaire perd 35 €/t cette semaine et tombe à 715 €/t.

 

Les bons niveaux de production attendus pour le tournesol en Europe et mer Noire, et l’arrivée sur le marché européen des colzas de 2022 ont pesé sur les cours de la graine et de l’huile. De plus, la révision par la Russie de sa taxe à l’exportation du tournesol, qui sera comme les céréales indexées sur le rouble désormais et non plus sur le dollar, pèse sur les prix en mer Noire et en Europe.

 

Le prix du tournesol ukrainien a fortement réagi à la baisse. À la frontière de l’ouest du pays, il vaut désormais 555 $/t au 30 juin (–60 $/t par rapport au 23 juin).

À suivre : récolte de blé et d’orge dans l’hémisphère Nord, négociations sur les exportations ukrainiennes, compétitivité du maïs par rapport aux autres céréales, climat dans l’Union européenne et en mer Noire (tournesol, colza), en Amérique du Nord (soja, canola), prix du pétrole, situation économique et sanitaire à l’échelle mondiale, politique biocarburant (pays d’Europe, d’Amérique et d’Asie), politique commerciale des pays exportateurs (Russie, Indonésie).