Au sujet du vote sur les végétaux issus des « nouvelles techniques génomiques » (NTG), la position du Parlement européen est attendue le mercredi 7 février 2024 en séance plénière. Isabelle Coustet (cheffe du bureau en France du Parlement européen) a rappelé le vendredi 2 février 2024 lors d’un point avec la presse que la commission de l’environnement a adopté le texte le 24 janvier.
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« Il n’y a pas encore d’accord avec le Conseil [NDLR : qui représente les gouvernements des États membres], il faudra donc sans doute passer en trilogue. Sur le plan technique, il est assez évident que ce sujet a été mis à l’ordre du jour de février pour qu’il y ait un accord avec le Conseil de l’Union européenne, mais pour le moment il n’est pas prêt », a-t-elle aussi jugé.
Traçabilité, protection des cultures non OGM, évaluations des risques
Christophe Clergeau, député européen socialiste en charge des sujets agricoles et environnementaux (Groupe de l’Alliance progressiste des socialistes et démocrates), a estimé de son côté que le vote de mercredi serait « crucial pour avoir une traçabilité, une information des consommateurs, une protection des filières non-OGM, telle que d’agriculture biologique, et pour une vraie évaluation scientifique des risques qui pourraient être associés à ces nouveaux produits. »
« En commission de l'environnement, la semaine dernière, il y a eu un consensus pour limiter le champ des NTG, à ceux qui aboutissent à une amélioration de la performance agronomique et à la soutenabilité de l’agriculture. Mais nous avons exclu les plantes résistantes aux herbicides. Et nous allons aussi déposer en amendement pour exclure les plantes qui produisent leurs propres insecticides », a par ailleurs informé l’eurodéputé.
Controverse scientifique
« Le Conseil n’avance pas et pour des bonnes raisons ! C’est incompréhensible que le Parlement européen se précipite pour voter de cette manière-là alors qu’on est en pleine controverse scientifique sur les critères pour distinguer les critères de catégorie 1 et 2 (1)… D’ailleurs, l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire) a critiqué très sévèrement les propositions de la Commission. Et le gouvernement français n’a toujours pas réagi à l’avis de l’Agence », a-t-il complété.
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« Il n’y a aucune chance que ce texte soit voté définitivement avant les élections. Et tant mieux, parce que mettre sur le marché ces nouvelles techniques, oui, si ça peut être utile à l’agriculture. Mais les mettre, sans information aux consommateurs, sans protection des filières non OGM et sans savoir ce qui se passe ensuite : c’est une pure folie », a enfin appuyé Christophe Clergeau.
Enquête de la médiatrice européenne
Manon Aubry (groupe de la gauche au Parlement européen) a expliqué la position de son groupe, qui partage l’opposition à cette nouvelle technique. Et d’ajouter : « Il y a de nombreuses études qui montrent que ça risque d’engendrer des erreurs génétiques, notamment de mettre en péril l’agriculture sans OGM, je pense à l’agriculture biologique. »
« La consultation faite par la Commission a tellement été bâclée qu’elle fait l’objet d’une enquête de la médiatrice européenne, ce qui est assez rare. C’est symptomatique aussi du poids de l’influence qu’il y a eu sur ce dossier », a d’ailleurs précisé Manon Aubry.
François Thiollet a rappelé que pour le Groupe des Verts/Alliance libre européenne, les NTG représentent notamment la privatisation du vivant. « La réalité, c’est qu’on enlève aux agriculteurs le droit de faire leurs propres semences », a-t-il estimé.
Position de Renew plus modérée
Marie-Pierre Vedrenne (Renew Europe) a, quant à elle, rappelé que la ligne de son groupe a toujours été de dire oui pour l’autorisation sur le recours au NGT.
« Mais les interdictions doivent être claires notamment au sujet des plantes qui résistent aux herbicides et au sujet des cultures biologiques. Nous sommes en train de travailler sur la question de coexistence entre NTG et non/NTG, car il doit y avoir une distinction très claire sur la classification, de ceux qui ne sont pas de type OGM et de ceux qui s’en rapprochent », a expliqué cette dernière.
Délicate question de la brevetabilité du vivant
Chritophe Clergeau a aussi informé que la position des différents groupes, aussi bien en commission de l'agriculture qu’en commission de l'environnement, était unanime : interdire la brevetabilité des nouveaux OGM. Il explique : « Pour éviter la main mise des groupes agro-industriels sur ces tronçons génétiques mais aussi protéger les petits obtenteurs et semenciers à l’échelle européenne, qui sont les partenaires du monde agricole. Il ne suffira pas de faire un amendement dans le texte sur les nouveaux OGM. »
Et de conclure : « Et il va falloir aller réformer en profondeur la directive 98/44/CE sur les biotechnologies et probablement toucher au droit européen du brevet et à la convention internationale qui régit l’office des brevets du Munich… Nous avons ouvert la boîte de Pandore qui vise à empêcher l’extension des brevets qui portent sur les technologies aux produits naturels, notamment sur les plantes qui sont fabriquées à partir de ces technologies. Donc, c’est un débat de fond qui est ouvert et cela prendra des années pour aller jusqu’au bout. Or, c’est un des sujets qui peut bloquer l’accord avec le Conseil. Sur cette question-là, le gouvernement français n’a pas encore pris position… mais j’espère qu’il va rejoindre le camp de ceux qui veulent s’opposer à la brevetabilité des OGM. »
1. Dans le texte, les NTG1 devaient sortir de la législation relative aux OGM, contrairement aux NTG2.