En matière de virose sur betterave, la lutte contre les pucerons n’est pas suffisante. La gestion du réservoir viral est aussi un levier central : c’est une des conclusions des acteurs du plan national de recherche et d'innovation (PNRI). Et « la betterave elle-même est un réservoir massif de virus », a rappelé Christian Huyghe, chargé de mission auprès de la direction scientifique Agriculture de l’Inrae, lors d’une présentation faite à l’Académie de l’Agriculture le 14 mai 2025.
L’objectif : éviter au maximum que des plants de betterave puissent faire un lien entre une campagne sucrière et la suivante. « Si tout le monde applique la prophylaxie sur un temps long, ça passera », mais il insiste sur la nécessité d’embarquer tous les producteurs, et tous les ans. « Si 10 % des agriculteurs se disent : « ce n’est pas grave, les autres le font », cela va se casser la figure. »
Détruire les repousses
Trois leviers ont été identifiés en la matière. Le premier est la gestion des repousses dans le blé suivant. Aujourd’hui, « 50 % des blés après betterave sont semés sans labour », chiffre l’expert. Ce faisant, les collets restent sur place et en situation favorable à leur reprise, comme en automne 2019 et 2024, ils se réimplantent. « On a trouvé des virus dans ces repousses de betteraves », confirme Christian Huyghe. Il souligne d’ailleurs que « dès février 2023, il y a eu des recommandations extrêmement fermes de la part des coopératives » sur ce sujet. En présence de repousses au printemps malgré les désherbages d’automne, l’Institut technique de la betterave (ITB) conseille d’appliquer fin mars-début avril un anti-dicotylédones.
Les cordons de déterrage sont aussi de potentiels réservoirs. Il est ainsi demandé de les détruire mécaniquement. L’ITB indique que si les résidus n’ont pas été épandus puis enfouis à l’automne, un retournement doit être envisagé. Si les andains ne sont pas suffisamment maniables, une application de glyphosate est possible. Attention toutefois aux conditions d’usage. Elles sont détaillées dans une fiche publiée sur le site de l’ITB. D’après l’institut, 11 % des échantillons de repousses dans des cordons réalisés en mars 2024 étaient contaminés. Une proportion importante « compte tenu de la faible pression jaunisse en 2023 », précise l’ITB.
Zone de contact à risque
La gestion des repousses et des cordons est assez simple à mettre en œuvre et bien mobilisée par les producteurs, juge Christian Huyghe. Il estime qu’en les utilisant avec d’autres leviers, la pression à l’échelle nationale a pu être relativement contenue en 2023 et 2024, deux campagnes sans dérogations néonicotinoïdes en traitement de semences.
« Peu importe l’année, la pression reste en revanche importante dans une zone du Centre-Val de Loire, où cohabitent 20 000 ha de betteraves sucrières (sur les 400 000 ha en France) et porte-graine, sur 500 à 800 ha, pour des semences destinées à l’export », souligne l’expert. Elles sont semées en août et sont récoltées en juillet l’année suivante. Et « plus la zone de contact est forte, plus l’incidence du virus est forte ». Sur cette zone à risque, la mise en place d’un « cordon sanitaire » est à l’œuvre (lire encadré). « On fait le pari qu’on obtiendra une décroissance progressive » de la pression du virus en espaçant les cultures de 1 km de bord à bord. Un résultat qui n’est « pas sûr » selon lui.