Augmenter les marges de la grande distribution pour sécuriser un revenu agricole. Si le parallèle peut apparaître alambiqué à première vue, il a porté ses fruits, plaide son défenseur Stéphane Travert (Ensemble pour la République), en commission des affaires économiques à l’Assemblée nationale, mardi 11 mars 2025.
Les députés devaient discuter de la proposition de loi portée par l’ancien ministre de l’Agriculture et le député républicain Julien Dive visant « à renforcer la stabilité économique et la compétitivité du secteur agroalimentaire ».
Concrètement, en commission les élus de la chambre basse ont largement voté en faveur de la prolongation de l’obligation d’appliquer un seuil de revente à perte à 10 %, dit SRP + 10 pour certains produits de la grande distribution. Autrement dit, le SRP + 10 instaure l’obligation d’un minimum de 10 % de marge pour les distributeurs pour certains produits alimentaires. Alors qu’il devait arriver à échéance le 15 avril 2025, les députés proposent de le prolonger pour trois ans, au 15 avril 2028.
En revanche, les députés souhaitent ne plus encadrer les marges des produits de droguerie, de parfumerie et d’hygiène (DPH). C’est un dispositif qui avait été mis en place par la loi Descrozaille en mars 2024 et pourrait prendre fin le 15 avril 2026.
« Éviter les promotions trop agressives »
« Le mécanisme SRP + 10 a été mis en place par la loi Egalim 1 sous la forme d’une expérimentation pour éviter les promotions trop agressives [de la grande distribution] qui pourraient nuire aux fournisseurs et aux producteurs agricoles », a rappelé la présidente de la commission, Aurélie Trouvé (La France insoumise).
Si l’outil « n’est peut-être pas le plus efficient qui soit », sa non-reconduction « générerait à la fois une pression très forte dans les relations commerciales […] et mettrait tout de suite la pression sur les producteurs, les transformateurs et les industriels », a soutenu Julien Dive, résumant une position partagée par la grande majorité des groupes parlementaires. D’autant que la prolongation du SRP + 10 est « réclamée par les fédérations représentant l’industrie, l’ensemble des distributeurs à l’exception du leader du marché [Leclerc, NDLR] et la FNSEA », a ajouté Stéphane Travert.
De son côté, la députée du Rassemblement national Hélène Laporte a pointé une « addition salé » pour le consommateur, s’appuyant sur un rapport d’UFC-Que Choisir (également cité par La France insoumise et le Parti socialiste), et a annoncé que son groupe n’allait pas voter le texte. Pour le rapporteur, Stéphane Travert, l’objectif était « d’utiliser cette manne [des 10 % de marge brute] pour mieux acheter la matière première agricole ».
Sanctions pour les distributeurs
Mais, le député le concède, il ne se « satisfait pas » de l’évaluation « décevante » du dispositif. Elle « doit permettre une vision précise sur l’utilisation faite du surplus des marges générées ». Or, il y a une « incapacité à disposer de données précises ».
Pour ce faire, les députés ont voté un amendement prévoyant des sanctions (375 000 € pour les personnes morales) pour les distributeurs, s’ils ne transmettent pas les informations sur l’usage des surplus de marge générés par le SRP + 10 et pour les industriels, s’ils ne fournissent pas des données sur la revalorisation des prix et la rémunération des fournisseurs agricoles. Ces sanctions étaient la condition sine qua non pour que les partis de gauche apportent leurs votes à ce texte, a soutenu la députée socialiste Mélanie Thomin.
« Pressions et chantages »
Julien Dive est intervenu pour « mettre les pieds dans le plat » en partageant son « ras-le-bol […] de devoir subir tous les jours des pressions, des chantages, [de la part d’industriels et de la grande distribution, NDLR] quel que soit le groupe politique, dès qu’il s’agit des négociations commerciales ».
Dans l’ensemble, les députés ont pointé le « manque de données solides et indépendantes pour évaluer les mécanismes accumulés au fil des lois Egalim 1, 2 et 3, et mesurer les marges opérées tout au long de la chaîne de valeur agricole et alimentaire », comme le déplorait Aurélie Trouvé. Pour elle, ce manque de transparence « rend difficile pour les législateurs de travailler dans un tel brouillard ». Le texte devrait être discuté le 17 mars en séance publique, avec tous les députés.