Avec la méthanisation et les techniques de « power-to-gas » (1), la pyrogazéification permet la production de biométhane. Derrière ce mot barbare se cache un processus naturel de fermentation produisant un gaz de synthèse, dit de deuxième génération. Si la méthanisation est majoritairement choisie par les collectivités locales, la pyrogazéification apparaît comme une solution prometteuse et complémentaire pour répondre aux objectifs fixés de 100 % de gaz renouvelables en 2050.
Un processus en deux étapes
Comme son nom l’indique, la pyrogazéification fait intervenir une étape de pyrolyse suivie d’une étape de gazéification. Concrètement, la pyrolyse décompose des résidus solides peu ou mal valorisés en les chauffant à haute température (entre 400 et 1 000°C), en défaut ou absence d’oxygène. Elle permet d’obtenir trois phases : solide (char ou coke), liquide (huile de pyrolyse) et gazeuse (gaz de synthèse). La proportion entre ces trois phases dépend des paramètres opératoires comme la température, le temps de séjour ou la vitesse de chauffage.
Puis, la gazéification transforme les phases carbonées solide et liquide en un gaz de synthèse, aussi appelé syngaz, en les chauffant de nouveau à haute température (entre 900 et 1 500°C) et en présence d’un agent oxydant (oxygène, eau et gaz carbonique). Le syngaz produit à l’issue de ces deux étapes est un mélange de molécules, composé principalement d’hydrogène, de monoxyde de carbone, de dioxyde de carbone et de méthane.
À l’exception d’un résidu carboné solide (biochar), tous les intrants sont transformés en gaz. Le syngaz est ensuite épuré des composés indésirables avant de subir une étape de recombinaison, appelée méthanation, pour former du biométhane injectable dans le réseau. Comme pour la méthanisation, la pyrogazéification possède un fort potentiel de développement dans le monde agricole. Disposant d’un gisement important d’intrants, à l’instar des cultures intermédiaires à forte teneur en lignine ou encore des copeaux de bois, elle offre aux agriculteurs une opportunité de trouver un débouché à ces résidus.
Résidus peu ou mal valorisés
La pyrogazéification s’empare de nombreux intrants solides destinés le plus souvent à l’enfouissement ou à l’incinération et délaissés par la méthanisation. Elle convertit ainsi de la biomasse sèche (résidus de scierie ou de cultures, bois, fumiers de volailles, pailles…) mais aussi divers déchets, renouvelables ou non (combustibles solides de récupération, pneus usagés, boues de stations d’épurations séchées…). Les biochars et la chaleur produits sont également valorisables.
En plus de réduire de 80 à 85 % les émissions de gaz à effet de serre, la pyrogazéification produit une énergie stockable qui permet de faire coïncider l’offre énergétique à la demande. Elle permet de multiples usages : chauffage, électricité ou matière première dans l’industrie… tout en ayant un haut rendement énergétique, de l’ordre de 70 à 80 %. Selon GRTgaz, 49 projets commerciaux et démonstrateurs ont été recensés en 2022 représentant un potentiel significatif de 1,3 million de tonnes d’intrants valorisés pour une production de 4 TWh.
Une filière française en développement
Aujourd’hui, la structuration de la filière s’organise progressivement avec une intégration des projets les plus matures au registre des capacités. En étendant le droit à l’injection à tous les projets de gaz renouvelables ou bas carbone, la loi d’accélération sur les énergies renouvelables ouvre de nouvelles perspectives, et certains projets commerciaux se disent prêts. Toutefois, l’absence d’un cadre de soutien adapté (aide au fonctionnement notamment) constitue un frein au développement de la filière.
Parmi les projets recensés, le projet Salamandre d’Engie est aujourd’hui en construction au Havre. Cette future unité industrielle matérialisera la déclinaison commerciale du démonstrateur Gaya. Ce dernier produit déjà 500 kilowatts de méthane de synthèse à partir de combustibles solides de récupération. Installé à Saint-Fons (sud de Lyon), ce démonstrateur semi-industriel a permis de démontrer la faisabilité technique, économique et environnementale de la pyrogazéification.
L’unité Salamandre, quant à elle, devrait être opérationnelle au début de 2026 et vise la valorisation d’au moins 70 000 tonnes de déchets non recyclables par an. « Cette valorisation permettra de produire environ 150 GWh de gaz vert pour le transport lourd et les industries intensives de la zone portuaire du Havre ainsi qu’environ 45 GWh de chaleur renouvelable, utilisable par les industriels voisins ou dans les réseaux urbains », explique Marion Maheut, cheffe de projet Gaya chez Engie.
D’ici à 2030, l’objectif est que la pyrogazéification représente 6 TWh de gaz injecté dans les réseaux français. Ceci permettrait de valoriser 3 millions de tonnes de déchets par an et de réduire d’un million de tonnes par an les émissions de CO2. Selon une étude menée par l’Ademe en 2018, la totalité du gaz consommé en France pourra être d’origine renouvelable en 2050. Dans ce mix gazier, la pyrogazéification pourra fournir jusqu’à un tiers des volumes consommés.
(1) Procédé convertissant l’hydrogène généré par les excédents des énergies renouvelables (éolien, photovoltaïque) en un gaz de synthèse.