C’est en 2014 que Cyril Guignard s’installe avec son père sur une exploitation comptant un troupeau de chèvres laitières et un atelier de volailles. Deux ans plus tard, sa compagne Elsa Lamy vient remplacer le père de Cyril, parti alors à la retraite. À l’époque, l’alimentation des 300 chèvres est principalement composée d’ensilage de maïs et d’enrubannage d’herbe. Une formule qui ne satisfaisait pas totalement le couple d’éleveurs.

« Pour corriger la ration, nous devions acheter beaucoup de compléments azotés et sur le plan sanitaire, les chèvres n’étaient pas toujours en très bon état, se souvient Elsa. C’est pourquoi, nous avons décidé de réorienter notre alimentation en produisant du foin séché en grange. Il a donc fallu concevoir un bâtiment spécifique. »

À 25 m de la stabulation

Pour tracer les plans de ce nouveau séchoir, les deux éleveurs se rapprochent du Ségrafo, une association spécialisée dans l’accompagnement des producteurs pratiquant le séchage en grange sur les régions Pays de la Loire, Bretagne et Normandie. Dès le départ, le projet prévoit de conserver la stabulation des chèvres, déjà dotée d’un couloir d’alimentation central. Il n’est donc pas question d’y adosser le séchoir comme cela se fait souvent sur des installations neuves. Le nouveau bâtiment est alors implanté à 25 m de la stabulation et consacré uniquement au séchage et au stockage du foin.

« Très vite, le Ségrafo nous a proposé de placer le quai de déchargement à l’extrémité du hangar, et non pas sur tout un côté, le long des cases, explique Cyril. Avec cette configuration, le coût de construction est moins élevé du fait d’une largeur totale réduite et donc d’une charpente plus petite. La griffe se déplaçant uniquement d’une extrémité à l’autre du séchoir, nous n’avons eu que deux rails à fixer à la charpente, dans l’axe du toit, juste sous le faitage. Un déchargement sur le côté aurait nécessité un pont roulant mobile sur la largeur, et une surélévation du toit, impliquant un investissement plus élevé. »

Le nouveau séchoir a été implanté à une vingtaine de mètres de la stabulation qui abrite les 300 chèvres laitières. (© Denis Lehé)

Trois cases de séchages

Le bâtiment est orienté Est/Ouest et mesure 14 m x 36 m, avec 6 m d’écartement entre les poteaux. La travée située la plus à l’Ouest sert de quai de déchargement. C’est également de ce côté que l’air entre dans le caisson confectionné en bois OSB entre la charpente et la toiture. Viennent ensuite les trois cases de séchage. Elles occupent 8 x 14 m chacune, soit une surface utile intérieure de 104 m², en déduisant l’épaisseur des cloisons. Remplies à 6,5 m de hauteur, elles peuvent chacune contenir 68 t de MS. Le ventilateur et le local technique ont été placés à l’extrémité Est du séchoir. Seul inconvénient de ce système avec déchargement à une extrémité : la fourche a plus de distance à parcourir quand il faut remplir la deuxième ou la troisième case.

La griffe, achetée d’occasion, se déplace uniquement dans le sens de la longueur pour relier les trois cases au quai de déchargement en bout du bâtiment. Une conception plus simple et plus économique. (© Denis Lehé)

L’air circule sous les tôles, d’un bout à l’autre du bâtiment avant de redescendre jusqu’au ventilateur et d’être envoyé sous l’une des trois cases via un réseau de gaines posées au sol. L’utilisateur choisit la case à ventiler grâce à des vérins électriques ouvrant ou fermant des trappes à l’entrée de chaque circuit. L’installation est dotée d’un automate pour programmer les cycles de soufflerie en s’adaptant à la météo. Le bâtiment a été monté par la société Morisset, une entreprise locale spécialisée dans la construction en bois.

« Dès le départ, nous avions convenu avec le charpentier de réaliser beaucoup de choses en auto-construction, comme le terrassement, la maçonnerie et le bardage extérieur, précise Cyril. C’est intéressant financièrement, et nous aurions aimé en faire davantage en réalisant par exemple les cloisons des cases. Mais, cela prend du temps et il faut être réactif pour respecter le planning. Nous étions aussi parfois limités par la hauteur de travail de notre chargeur télescopique. »

Dans le couloir d’alimentation, les éleveurs déposent le foin par paquets, puis le répartissent à la main. Ils prévoient d’investir dans un godet désileur conçu pour les brins longs. (© Denis Lehé)

Un investissement total de 1 320 €/t de MS

Les exploitants ont également réalisé des économies en optant pour une griffe d’occasion. Il existe un important marché de machines de seconde main provenant souvent d’élevages de Savoie ou de Franche Comté qui renouvellent leur équipement. Ces griffes ont pour la plupart une cabine ouverte, alors que les modèles neufs peuvent être équipés de chauffage et de climatisation.

Au départ, les éleveurs donnaient le foin aux chèvres avec leur ancienne remorque distributrice, mais celle-ci est tombée en panne au printemps dernier. Depuis, ils se servent du télescopique pour déposer des tas dans le milieu du couloir avant de les répartir manuellement au cornadis. Un mode de travail qu’ils ne jugent « finalement pas si contraignant que cela ».

Le couple prévoit malgré tout de s’équiper à moyen terme d’un godet désileur spécifique pour le foin. Sur le plan économique, l’investissement total dans ce séchoir s’élève à 278 500 € (dont 24 000 € de subventions). Ramené à la capacité de stockage, cela représente un coût de l’ordre de 1 320 €/t de MS, là où la majorité des installations se situent aux environs de 1 500 à 1 600 €/t MS selon le Segrafo. « Nous sommes plutôt satisfaits de cette installation et notre fonctionnement est désormais rodé, ajoute Elsa. Les jours de récolte, Cyril effectue les allers et retours avec notre autochargeuse de 36 m3 et moi je remplis les cases avec la griffe. Nous pouvons mettre 2 m de hauteur dans le fond à la première tournée, puis nous progressons par tranches de 1 m les fois suivantes. Les chèvres se sont parfaitement adaptées à leur ration à base de foin. Nous avons conservé le même niveau de production laitière en réduisant les achats de concentrés et les problèmes de santé du troupeau. »