« À la récolte, l’enveloppe du grain éclate à la moindre pression et les spores de carie, qui ont pris la place de l’amidon, se disséminent, décrit Delphine Bouttet, ingénieure régionale en Île-de-France chez Arvalis. Un nuage noir disperse les spores qui peuvent contaminer les grains des épis sains et le sol de la parcelle cariée mais aussi ceux des parcelles voisines, sur plusieurs centaines de mètres en cas de vent. »
La contamination peut également provenir de la moissonneuse qui passe d’une parcelle cariée à une parcelle saine. « En agriculture biologique, c’est la première année depuis longtemps que les signalements de carie sont aussi fréquents et répartis sur tout le territoire, estime Delphine Bouttet. Pour prévenir les risques pour la prochaine campagne, la lutte doit être collective. Tous les agriculteurs et les acteurs des filières doivent être vigilants pour contrer cette maladie fongique. »
Brûlage des parcelles
Un levier essentiel pour gérer les contaminations au sol, qui reste infectieux pendant cinq à dix ans, c’est le brûlage de la parcelle. « De nombreuses dérogations ont été demandées par la profession à la DDT qui a autorisé, cet été, le brûlage des parcelles cariées, dans des conditions très précises, explique Delphine Bouttet, qui a également eu recours à cette technique pour une parcelle de la station expérimentale de Boigneville (Essonne). Au vu de l’ampleur du phénomène cette année, le brûlage permet de remettre les compteurs à zéro ! »

Si le brûlage n’est pas autorisé, un labour profond est recommandé pour enfouir les spores, et un travail superficiel sera à réaliser les années suivantes pour éviter de les faire remonter. Les cultures sensibles (blé tendre, blé dur et épeautre) seront à éviter pendant au moins cinq ans.
Analyser les lots de semences
Pour les lots de semences de ferme bio pour les prochains semis, « l’analyse doit être systématique, recommande Delphine Bouttet. D’un coût variant de 90 à 100 € HT/lot, l’analyse permet de connaître le nombre de spores présentes par gramme. Avec le PMG, il faut le convertir en nombre de spores par grain. En absence de spore, aucun problème. Si le nombre de spores est inférieur à 20 par grain, un traitement avec du vinaigre sera à réaliser à la dose de 1 l/q, à diluer dans un litre d’eau par quintal également.
« Attention au surdosage du vinaigre qui peut altérer la germination », prévient Delphine Bouttet, qui précise également que ce « traitement ne permet pas de lutter contre les spores de carie présentes dans le sol ». À noter par ailleurs, qu’il n’existe pas, pour l’instant, d’analyse capable de détecter la présence de carie dans le sol.
Si le seuil est supérieur à 50 spores par grain (soit environ 1 000 spores par gramme), le lot est à éliminer, par incinération ou méthanisation thermophile (hygiénisation plus efficace grâce aux températures plus hautes). « Néanmoins, d’après nos retours du terrain cette année, le mieux est d’essayer de se passer des lots de semences qui comptent entre 20 et 50 spores par grain », prévient l’ingénieure.
Nettoyage au vinaigre
Pensez également à nettoyer au vinaigre tout le matériel en contact avec les lots contaminés : cellules de stockage, bennes, moissonneuse, éléments de triage, visses sans fin, semoir… Par précaution, les grains des parcelles de blé tendre, blé dur et épeautre situées dans un rayon de 500 mètres autour d’un foyer ne seront pas utilisés pour réaliser des semences de ferme. À noter qu’une demande de dérogation de 120 jours par la profession pour que les fabricants de semences puissent utiliser le traitement Copseed est en cours auprès de la DGAL.
Variétés résistantes à venir
À plus long terme, Delphine Bouttet compte sur de futures variétés résistantes à la carie. « Depuis 2023, une variété de blé biscuitier résistante à la carie est inscrite au catalogue, rappelle-t-elle. Les semenciers travaillent beaucoup sur cette problématique. Des sensibilités variétales existent. Dans l’avenir, des variétés résistantes devraient arriver sur le marché. »