« C’est un tsunami de strongles gastro-intestinaux (SGI) résistants aux produits antiparasitaires qui avance sur nos élevages ovins », annonçait Philippe Jacquiet, professeur de parasitologie à l’école vétérinaire de Toulouse, le 30 octobre lors d’un webinaire Innovin organisé par l’Institut de l’élevage. Si les rares cas recensés en 2020 concernaient des troupeaux ovins laitiers des Pyrénées-Atlantiques, en 2023, ils se multiplient un peu partout en France, aussi bien en ovins lait qu’en allaitant. Les estives ne sont pas épargnées non plus. En Bourgogne, cet été, par exemple, des éleveurs ont perdu plusieurs brebis après des traitements inefficaces. « Certains producteurs de lait n’ont plus aucune solution thérapeutique pour traiter leurs brebis au moment de la lactation », alerte-t-il.

Pour éviter d'en arriver là et freiner le processus, des mesures rigoureuses s’imposent. Traiter à la bonne dose est indispensable. Vérifier les dates de péremption des produits en stock et la fonctionnalité de son matériel sont des précautions obligatoires.

« Il ne faut traiter que si c’est indispensable, c’est-à-dire après coprologies ou si l’état des animaux l’impose », insiste Philippe Jacquiet. Les traitements systématiques à date fixe sont à bannir. La règle de l’alternance des familles de molécules est plus que jamais nécessaire. Attention, passer d’un produit à base d’ivermectine par exemple à un autre à base de doramectine ne peux pas être considéré comme une alternance, car les deux molécules appartiennent à la même famille (lactones macrocycliques).

Autre mesure sanitaire importante à respecter :  la mise en place d’une quarantaine pour les achats d’animaux. « Elle est trop peu souvent pratiquée alors que les animaux entrants sont éventuellement porteurs de vers résistants et peuvent contaminer les prairies s’ils y sont directement conduits. » 

Traitement sélectif ciblé

Le traitement sélectif ciblé semble porter ses fruits, « même s’il remet en cause le dogme du traitement généralisé sans exception que j’ai longtemps porté », avoue Philippe Jacquiet. Cette innovation repose sur le principe que dans un troupeau, il y a toujours des animaux faiblement excréteurs et d’autres fortement excréteurs. Seules les brebis qui en ont vraiment besoin sont traitées. Les autres (un minimum de 15 à 20 % du troupeau) constituent un refuge de parasites sensibles. « L’examen des animaux reste le pivot central de la méthode », ajoute Philippe Jacquiet. Les primipares, qui n’ont pas encore une immunité bien installée, sont toutes traitées. Pour les brebis multipares, c’est l’éleveur qui juge. Les animaux en perte d’état sont traités, tandis que ceux qui ne présentent pas de signes cliniques en lien avec le parasitisme ne le sont pas. « Dans beaucoup de cas, l’efficacité antiparasitaire de la molécule utilisée a été conservé dans le temps avec cette approche, mais pas toujours », observe le chercheur.

La sélection génétique d'animaux résistants à ces parasites est une voie explorée et même bien avancée en race Manech à tête rousse. Des béliers résistants aux SGI sont désormais disponibles en insémination artificielle.