Fortement attendu, le projet de loi d’orientation a été dévoilé en Conseil des ministres le 3 avril 2024. Ses dix-neuf articles peinent à convaincre l’ensemble des professionnels.
Un « accomplissement » pour Jeunes Agriculteurs
Le syndicat Jeunes Agriculteurs (JA), rappelle dans un communiqué du 3 avril, s’être investi dès le départ aux toutes premières discussions autour « d’une grande loi qui permette de répondre au défi du renouvellement des générations en agriculture » et souhaite que la LOA puisse être adoptée. Toutefois, cette dernière reste, selon JA, « améliorable » et insiste pour que le passage au guichet France Services Agriculture soit obligatoire pour tous les projets de transmission et d’installation.
JA souhaite aussi que la question du foncier puisse être abordée dans un chantier ultérieur « pour traiter le sujet avec le recul et l’ambition nécessaires ».
Une loi qui liquide l’agriculture, selon la CR
La Coordination rurale appelle à mobiliser l’ensemble du monde paysan pour que la LOA ne soit pas adoptée en l’état. Dans un communiqué du 3 avril, le syndicat liste ses revendications quant à quelques-uns des 19 articles que forme l’actuel projet de loi.
La CR pointe notamment la création des groupements fonciers agricoles d’investissement (GFAI) qui livrent « les terres agricoles à la spéculation foncière en ouvrant la voie à l’investissement capitaliste dans les foncières » ou encore le coût de « plusieurs centaines de millions d’euros d’argent public par an » consacrés à la création de France Services Agriculture, de la mise en place du diagnostic modulaire, ou du recours à des experts sur le contenu des formations agricoles. Le syndicat regrette aussi que « le point essentiel du juste revenu » ne soit pas abordé dans le projet de loi.
La Confédération paysanne dénonce « un plan social »
Réagissant également, la Confédération paysanne estime que le projet de loi « ressemble davantage à un plan social qu’à un programme de renouvellement des générations ». Dans un communiqué du 3 avril, le syndicat accuse le gouvernement d’utiliser « les vieilles recettes du passé qui, au nom de la compétitivité, favorisent l’agrandissement, l’endettement, la spécialisation des fermes, ceci au profit de quelques-uns et au détriment du plus grand nombre ».
Dénonçant une « fuite en avant », elle pointe du doigt « plusieurs régressions » comme « affaiblissement du droit pénal de l’environnement, accélération de la destruction des haies, facilitation des projets de mégabassines, d’élevages industriels et de fermes usines aquacoles ». Le projet de loi « ne doit pas être voté en l’état », conclut la Confédération paysanne.
La bio oubliée
Auditionnée par la commission des affaires économiques, le 2 avril 2024, la Fédération nationale d’agriculture biologique (Fnab) a souligné l’absence de l’agriculture biologique dans le projet de loi d’orientation. Pourtant, la fédération avait défendu l’inscription dans le schéma des structures du maintien des terres en bio lors d’une transmission. « Il manque de bio dans les référentiels de l’enseignement agricole », rajoute aussi Thomas Montagne, référent en enseignement à la Fnab.
Alan Testard, secrétaire national à l’installation-transmission pour la Fnab, insiste quant à lui sur la présence des structures d’accompagnement paysannes tels que les organismes nationaux à vocation agricole et rural (Onvar) au sein de la gouvernance du futur guichet France Services Agriculture. « Une demande de gouvernance qui doit être inscrite dans la loi pour accueillir efficacement tout le monde », selon lui.
De plus, la Fnab demande qu’un comité de pilotage départemental puisse suivre et évaluer les dispositifs d’accompagnement proposés par France Service Agriculture. « Nous demandons qu’il y ait des contrôles, inscrits dans la loi ou dans le Pacte, des systèmes des chambres d’agriculture et la possibilité de mettre des sanctions », milite Alan Testard.
France Services Agriculture interroge
Le Collectif nourrir, dont sont membres la Confédération paysanne et la Fnab aux côtés d’ONG et associations environnementales comme Greenpeace ou WWF, juge le projet de loi « ni cohérent, ni ambitieux ». Il est « urgent d’assumer une orientation de l’agriculture vers l’agroécologie paysanne et l’agriculture biologique », estime le collectif dans un communiqué du 3 avril. « Le futur dispositif “France Services Agriculture” (FSA) manque de mécanismes concrets pour cadrer les missions des chambres d’agriculture et ne respecte pas le principe de neutralité, en omettant de prendre en compte la diversité des acteurs de l’installation agricole », ajoute-t-il.
Une position partagée par Terre de liens qui fait aussi partie du Collectif nourrir. « Par sa logique de guichet unique, [France Services Agriculture] met de côté toute une partie de l’écosystème de l’accompagnement agroécologique et pourrait rebuter des candidats qui ne souhaitent pas se tourner vers les chambres d’agriculture », estime l’organisation dans un communiqué du 2 avril.
Sur l’aspect foncier, Terre de liens estime que le GFAI favorisera « l’investissement de non-agriculteurs dans les terres sans aucune garantie que ces dernières ne servent à l’installation, ni à nourrir les Français, ni même qu’elles ne soient dédiées à des pratiques environnementales ».