Ils n’en veulent toujours pas. Les représentants de la filière bovine, de l’aviculture, de la betterave et du sucre, ainsi que d’Intercéréales ont réaffirmé leur opposition à l’accord commercial négocié avec le Mercosur, ce mercredi 4 juin 2025 lors d’une conférence organisée à l’Assemblée nationale. Tous y voient une concurrence déloyale, qui risque de pénaliser l’agriculture et l’élevage français. Cette prise de parole des filières intervient alors que le président brésilien Lula da Silva, partisan du traité, est attendu en France jeudi pour une visite d'État.
Absence de réciprocité des normes
« Cette problématique est énorme pour notre filière, déjà soumise à une décapitalisation très forte », a assuré Patrick Bénézit, vice-président d’Interbev. Selon les contingents négociés dans l’accord, 99 000 tonnes équivalent-carcasse de viande bovine seront importées par l’Union européenne depuis le Mercosur. « C’est forcément 99 000 tonnes d’aloyaux, c’est-à-dire les morceaux nobles donc l’impact économique [sera] très fort », a-t-il souligné.
La filière estime la valeur exposée à 1,58 milliard d’euros et cite des différences de coûts de production de l’ordre de « moins 20 % à moins 30 % » entre les pays du Mercosur et la France. « Tout ce qui est autorisé chez eux est interdit chez nous », soupire Patrick Bénézit, avant d’énumérer : l’absence de norme sur le bien-être animal, la possibilité d’utiliser des antibiotiques activateurs de croissances et celle d’avoir recours à des hormones de croissance.
La filière avicole oppose les mêmes griefs à cet accord commercial. Elle redoute que les 180 000 tonnes supplémentaires de volailles importées, prévues par le texte, la fragilisent. « On viendrait ajouter [sur le marché européen] presque la moitié de la production française en plus avec l’accord Mercosur », illustre Jean-Michel Schaeffer, président de l’Anvol. Lui dénonce également l’inégalité des normes qui pèserait sur la compétitivité des éleveurs français. « On a, par exemple, en Europe, une réglementation sur les salmonelles très stricte, il n’y en a pas dans ces pays-là. En France, le lavage des carcasses se fait à l’eau quand il se fait à l’eau de javel chez eux. »
Et les mêmes arguments se retrouvent du côté des cultures. La filière de la betterave et du sucre, comme celle du maïs, dénoncent les disparités dans l’emploi des produits phytosanitaires. « 77,5 % des produits phytosanitaires utilisés au Brésil sont interdits en France. Il y a 40 matières actives utilisées en France, 178 au Brésil. Ces moyens de production différents impliquent un coût de production différent : 100 euros pour une tonne de maïs au Brésil, 200 euros en France. Nous ne pouvons pas lutter », regrette Franck Laborde, trésorier d’Intercéréales et président de l’Association générale des producteurs de maïs.
L’association interprofessionnelle de la betterave et du sucre redoute, quant à elle, la fermeture de « deux sucreries » si l’accord entrait en vigueur. L'accord prévoit l’importation de 190 000 tonnes de sucre de cannes et 8,2 millions d’hectolitres d’éthanol.
« On ajoute une marchandise dont on n’a pas besoin car le marché est déjà mature », estime Alain Carré, président de l’AIBS. Pour le sucre, ces nouvelles importations entreraient en plus en concurrence avec les exportations françaises. « Elles vont aller sur les pays que la France abreuvait comme l’Espagne ou l’Italie », explique-t-il.
« La France doit utiliser son droit de véto »
Pour lutter contre ces déséquilibres, Jean-Michel Schaeffer, président de l’Anvol, demande « une réciprocité des règles » pour que les pays du Mercosur soient soumis aux mêmes normes que les États européens. Il plaide aussi en faveur d’une meilleure traçabilité des produits importés en Europe. « L’Union européenne n’oblige pas à avoir l’origine précise des produits venus de pays extra-européens. On a besoin de faire évoluer ces réglementations », avance-t-il.
Et pour les filières, il reste encore l’espoir que le texte ne rentre pas en vigueur. Signé en décembre dernier, l’accord a besoin, pour s’appliquer, d’être ratifié par chacun des parlements des 27 États membres de l’Union européenne. « La position de la France doit être claire : elle doit utiliser son droit de véto », soutient Jean-François Guihard, président d’Interbev. Comprendre : si le Parlement français rejette la ratification de cet accord, il sera caduc.
Jusqu’à maintenant, la France a toujours manifesté son opposition à la ratification du texte. Mais l’arrivée de Donald Trump au pouvoir et la bataille commerciale lancée par le nouveau président des États-Unis rebattent les cartes.