« C’est le premier engrais 100 % laine ! Il est naturel, efficace et vient au soutien des agriculteurs », se félicite Vincent Fabry. Avec son frère Pierre-Marin et leur mère Anne, éleveuse de brebis lacaunes, ils ont lancé « Fertilaine », un fertilisant créé à partir de la laine d’ovins, y compris celle de leurs animaux.

« Aujourd’hui, nos produits, réservés aux particuliers, sont commercialisés sur notre site internet et dans une cinquantaine de magasins du sud de la France mais l’objectif est de nous développer, souligne Vincent. Si des jardineries partout en France sont intéressées, nous pouvons y répondre. »

Azote, potassium et soufre

Cet engrais est né dans l’esprit d’Anne et Marin, les parents, éleveurs à Vézins-de-Lévézou, dans l’Aveyron. Anne explique : « On est passé en bio en 2017 et Marin s’est rendu compte que, dans les engrais que nous achetions, il y avait de la laine. Il s’est dit : pourquoi ne pas utiliser la nôtre ? » « À ce moment-là, nous prenions nos parents pour des fous », sourit Vincent.

Mais Anne et Marin persévèrent et trouvent difficilement un laboratoire qui analyse la laine. Elle contient « 10 % d’azote, 8 % de potassium et du soufre. C’est autant que les engrais organiques qu’on achetait », se souvient Vincent. L’aventure est donc lancée. Elle se poursuit comme « une façon de rendre hommage à Marin », le papa, décédé entre-temps.

Les Fabry ne s’imaginaient sans doute pas rencontrer autant d’obstacles. « En France, aucune usine n’est agréée pour transformer les sous-produits animaux en engrais organique. La réglementation française est plus contraignante que le cadre européen. » Conséquence : « Nous avons trouvé une usine, en Allemagne, qui transforme la laine. Puis elle nous la renvoie en vrac et on les fait reconditionner dans un Esat (1) à Carmaux (Tarn). Nous faisons analyser tous nos lots, ils sont sanitairement irréprochables. »

En Allemagne, la seule obligation de résultat suffit à valider une méthode de destruction des pathogènes. « C’est aberrant, tranche Vincent Fabry. On peut vendre notre produit en France mais pas le transformer ici ! On est en contact avec la DGAL (2) pour tenter de faire bouger les choses. »

Une fois transformée, la laine devient en fertilisant sous forme de granulés. (©  DR)

20 centimes par kilo aux éleveurs

Du côté de la transformation, la laine brute est broyée, déshydratée et compactée. Elle ressemble à la fin du processus à des granulés de bois. « Il suffit de mélanger ces granulés à la terre et il n’y a rien d’autre à faire pendant six mois », assure la famille, qui indique que son produit « permet une économie d’eau de 25 à 30 % ».

Dernier argument, le soutien à l’agriculture : « Nous reversons 20 centimes par kilo de laine aux éleveurs. Ce n’est pas le Pérou mais c’est plus que le marché actuel de la laine, et l’on espère pouvoir faire mieux dans l’avenir », rapporte Vincent. Par exemple, en créant un atelier de transformation dans l’Aveyron, ce qui limiterait les coûts, notamment de transport, et créerait des emplois. Un projet ambitieux et attrayant : en 2023, Fertilaine a été l’initiative la plus soutenue sur la plate-forme de cagnotte en ligne Miimosa. Elle a atteint 1 500 % de ses objectifs !

(1) Établissement et service d’accompagnement par le travail. (2) Direction générale de l’alimentation.