Membre de l’interprofession bétail et viande Interbev, l’association de la restauration collective en gestion directe, Restau’Co, s’était engagée l’an passé dans le mouvement « Je soutiens mes éleveurs » et dans la promotion du logo « Viande de France ». Éric Lepêcheur, son président, estime qu’il est du devoir des restaurants collectifs de répondre aux attentes du consommateur en termes d’origine des viandes, fraîches ou transformées.
Exiger la qualité
La restauration hors domicile a pour réputation de distribuer majoritairement de la viande importée. Est-ce vrai ?
« Pour les achats de produits transformés ou surgelés, oui, car c’est un marché motivé par le prix. Nous nous trouvons donc face à des acteurs qui, parce qu’ils ne veulent pas mettre la main à la poche, achètent de la viande étrangère. En revanche, les mentalités changent vis-à-vis de la viande fraîche. Elle est souvent française car les acheteurs sont plus sensibles à l’origine. Depuis que le ministère de l’Agriculture a validé le logo « Viande de France » l’an dernier, les achats de viande bovine fraîche française dans la restauration collective ont bondi de 20 %. C’est encourageant.
Dans un appel d’offres, les acheteurs sont-ils en mesure de n’exiger que de la viande française ?
Un appel d’offres ne peut pas explicitement demander une origine précise. Mais il est possible d’exiger une traçabilité étroite ou le respect de normes environnementales. Immanquablement, cette orientation vers le qualitatif laisse un large avantage à la viande française pour trouver sa place. C’est une double mission pour nous : sensibiliser le consommateur au modèle alimentaire français. Et soutenir nos éleveurs, pour qui la concurrence est rude. Car demain, s’ils disparaissent, comment va-t-on nourrir la population ? Avec des produits importés potentiellement bourrés de pesticides et d’OGM ?
Pourquoi l’alimentation est-elle l’un des principaux postes à souffrir de coupes budgétaires ?
C’est injustifiable. Ainsi, dans un hôpital, l’alimentation représente moins de 1 % du budget. C’est la course aux économies, sur des matières premières qui ne sont pourtant pas l’unique variable d’ajustement du prix d’un repas. Des communes et des régions l’ont d’ailleurs bien compris. Elles travaillent par exemple sur la réduction du gaspillage alimentaire, un moyen efficace de faire des économies. Encore faut-il qu’elles soient réinjectées dans la qualité des produits proposés et pas pour combler des déficits ailleurs.
Quelles sont les solutions pour favoriser l’achat de viandes qualitatives et françaises ?
C’est à celui qui gère, pour ne pas dire à l’État, de faire des efforts. Mais il est sans arrêt question d’économies. Nous sommes inquiets car les dotations vers les territoires fondent. Quid de l’argent dans l’assiette ? Pour continuer sur l’exemple de l’hôpital, il représente 40 % de la restauration collective. Pourtant, c’est là que les gens mangent le moins bien. Il faut faire mieux, avec des portions plus petites mais meilleures. En effet, pour les grillades, nos besoins s’orientent vers des portions d’environ 180 g. Devant son assiette, la première question que le consommateur se pose, c’est de savoir s’il va pouvoir manger le morceau facilement.
Acheter de meilleurs morceaux, un peu plus chers, c’est donc possible ?
Ceux qui clament le contraire sont des menteurs. Il est temps d’arrêter cette course au moins-disant. Monter le prix un peu plus haut et plus souvent, c’est possible, pourvu que l’autorité supérieure joue le jeu. Ce serait d’ailleurs un moyen de peser sur les tarifs. Faire évoluer la demande permet de booster la production, d’augmenter les volumes disponibles et, par conséquent, d’acheter au juste prix. Un repas coûte une dizaine d’euros. Contrairement aux idées reçues, ce ne sont pas les aliments qui coûtent le plus cher. Ils représentent 20 % du prix, ce n’est donc pas une variable d’ajustement. Le plus lourd, ce sont les charges liées au personnel. »
Les éleveurs peuvent-ils valoriser des carcasses entières en restauration collective ?
« Il y a 3 milliards de repas à servir chaque année. À cette échelle, il est difficile de faire autrement que de passer par des prestataires. C’est un surcoût car, en soi, ce n’est pas tant la viande qui coûte cher que la découpe et la transformation. Mais il y a des paris à tenir. Pour valoriser une carcasse entière, il faudrait imaginer un système de groupement d’achat, qui embaucherait un boucher. C’est jouable. »