Qui sont les nouveaux agriculteurs ? Vaste question pour laquelle le ministère de l’Agriculture a missionné, entre autres, le laboratoire de recherches en sciences sociales de l’École supérieure des agricultures (Esa) pour y répondre. Un échantillon représentatif de 3 400 répondants, installés en 2018 et en 2022, s’est prêté au jeu du sondage dont les résultats ont été publiés le 20 mars.
Cette enquête dépasse les traditionnels clivages entre les non-issus du monde agricole (Nima) et les enfants d’agriculteurs et permet de dégager « six profils d’installés » répartis en cinq catégories (voir l'infographique ci-contre).
On y retrouve ceux qui prennent la suite de leurs parents : les « héritiers bien préparés », qui auront suivi un parcours de formation agricole, ainsi que « les héritiers sans vocation », en reconversion d’un parcours hors agriculture. Viennent ensuite les « reconvertis des classes moyennes », sans parents agriculteurs ni formation agricole. Sont également identifiés les « membres des classes supérieures urbaines », qui sont des cadres avec un haut niveau d’étude avant l’installation, et qui peuvent parfois être enfants d’agriculteurs. Ce seront dans ce cas les « contre-mobiles des classes supérieures ». Enfin les profils ruraux, formés en agriculture mais sans parents agriculteurs, sont regroupés parmi les « classes populaires rurales ».
Des motivations différentes
Première distinction au sein de ces populations : les motivations à s’installer. Travailler à l’extérieur constitue la première d’entre elles pour l’ensemble des catégories (59 %). Elle est tout de même davantage pointée par les populations en reconversion. Mettre en œuvre ses convictions et se sentir utile, est la deuxième aspiration des nouveaux installés (40 %). Avoir quelque chose à transmettre motive les « classes populaires rurales » et les « contre-mobiles des classes supérieures ».
Des productions surreprésentées
L’étude permet aussi de mieux comprendre l’influence des expériences précédentes des récents installés sur la production choisie. Les héritiers s’orientent ainsi principalement vers l’élevage bovin. « Pour s’installer en bovin, il y a un rapport particulier au travail qu’il faut avoir. Ce n’est pas forcément facile à appréhender lorsqu’il n’y a pas une première expérience personnelle ou familiale », explique Antoine Dain, sociologue qui a participé à l’étude.
Exception de taille avec le groupe des « contre-mobiles des classes supérieures », dont 32 % optent pour les grandes cultures. Les reconvertis des classes supérieures ou moyennes vont eux aussi bouder l’élevage bovin et s’orienter plus volontiers vers le maraîchage et l’horticulture (40 % et 36 %).
Quelques fragilités
Si les « héritiers bien préparés » constituent un public relativement classique et connu des structures d’accompagnement à l’installation, ces porteurs de projet n’en restent pas moins fragiles. « Ils s’installent très tôt. Or la gestion de l’exploitation s’acquiert avec de l’expérience, commente Romain Fontaine, responsable du service hommes et entreprises pour Chambres agriculture France. Les profils qui ont tendance à durer davantage dans les études ou dans le salariat, c’est un gage de maintien dans le temps ». « Les Nima, les reconvertis sont un public particulièrement intéressant avec qui on a appris à travailler, poursuit-il. Ce sont eux la relève et pourtant ce sont eux qu’il faut faire monter en compétences. »
Autre population qui attire l’attention, les « héritiers sans vocation » de plus en plus nombreux avec le vieillissement de la population agricole. « Les enfants se retrouvent avec une exploitation à gérer dont ils héritent, explique Romain Fontaine. Il n’y a pas de vocation agricole. C’est une catégorie à accompagner sur ce point. »
Des disparités dans l’engagement
Les nouveaux installés changent, mais il n’est pas certain que cela se ressente tout de suite dans les organisations professionnelles. L’étude révèle que seulement 35 % des interrogés sont syndiqués et juste 21 % exercent des responsabilités professionnelles. Dans cette dernière catégorie, deux profils se dégagent : les « héritiers bien préparés » (32 %) et les « contre-mobiles des classes supérieures » (32 % aussi). Ce sont également ces deux types de nouveaux installés qui occupent les postes à responsabilité au sein des syndicats.
Le ministère de l’Agriculture devrait prochainement présenter les résultats de l’ensemble des études commanditées sur la thématique des nouveaux actifs. Des données précieuses pour accompagner les porteurs de projet de demain.