Vers 1880, l’affermissement de la IIIe République conduit le gouvernement à répondre plus vite aux vœux des paysans. La récurrence d’attaques de loups enragés, qui émeut l’opinion publique avant les découvertes de Pasteur, fait passer leur extermination pour une mesure de salut public. Dans ces condi­tions, une nouvelle législation vient relancer le zèle des chasseurs.

Votée le 3 août 1882, après cinq années de préparation, la loi comporte deux mesures capitales : le relèvement consi­dérable des « primes de destruction » établies sous la Révolution, dont les montants sont multipliés par six à huit (article premier) ; la prise en charge du financement directement par l’État, par un crédit spécial ouvert au budget du ministère de l’Agri­cul­ture (article 2).

Avec 40 F par louveteau, 100 F par loup adulte et 150 F par louve pleine, les chasseurs de la campagne reçoivent l’équivalent de 15, 40 et 60 journées de travail. Une seule portée de louveteau cueillie au liteau peut rapporter de 120 à 200 F, deux à trois mois de gains journaliers ! Et c’en est fini des longs retards : désormais, les primes seront payées dans la quinzaine (article 4).

Dans les années qui suivent la loi du 3 août 1882, la revalorisation des primes déchaîne les passions

Par ailleurs, le décret du 28 novembre vient simplifier la procédure. Le transport du cadavre de l’animal à la sous-préfecture, déjà déconseillé en 1818, est défini­tivement abandonné. Désormais, c’est le maire qui dresse un procès-verbal complet. Et qui se charge des forma­lités. C’est lui aussi qui doit veiller avec soin à ce que le fauve soit dépouillé et surtout enfoui, dans une fosse ayant au moins 1,35 m de profondeur.

Le réclamant, qui a fait sa déclaration dans les 24 heures sur papier timbré, doit représenter « le corps entier de l’animal couvert de sa peau » au lieu désigné par le maire. Les vérifications faites, le chasseur, tenu de dépouiller le ca­davre, peut conserver la peau, la tête et les pattes.

Dans les années qui suivent la loi du 3 août 1882, la forte réévaluation des primes déchaîne les passions. Alors qu’en 1882 le nombre de loups tués grâce aux primes n’était que de 423, il bondit à 1 316 en 1883. Cette année-là, l’État verse pour 104 450 F de primes dont 495 récom­pensent des prises de louveteaux, 812 des loups adultes sains (non enragés) et 9 des animaux qui se sont « jetés sur des êtres humains ». En cinq ans, de 1883 à 1887, on compta­bilise 4 712 prises officielles pour un total de primes de 357 060 F.

Au sommet de l’échelle des loups abattus en 1883 figure, dans les procès-verbaux officiels, un mâle de 98 kg — « énorme loup, terreur du pays » — tué à Asque (Hautes-Pyrénées), le 24 mai 1883, à six heures du soir, par Pierre Sarrat Viau, un jeune berger de 17 ans, au moment où il s’élançait sur son troupeau. Chez les femelles, le record tient à « une louve de 5 ans, non pleine, qui faisait beaucoup de ravages » autour de Saint-Éloy-les-Tuileries (Corrèze), abattue par Robert Travieux, avec son arme à feu, le 18 décembre 1883 lors d’une battue : elle atteignait 96 kg.

Dans les années suivantes, « une louve pleine, qui pesait environ 100 kg avec sept petits dans le ventre », est tuée à Lignières (Mayenne) le 9 mai 1886 tandis que le 7 mai 1887, Le Petit Brestois signale la destruction d’une louve qui désolait les environs de Plourin (Finistère) par M. de Lesguern, lieutenant de louveterie : elle aurait pesé 220 livres, près de 110 kg !