Avant la mécanisation et la diffusion de l’eau courante, l’arrivée des canicules produisait des conséquences dramatiques parmi les travailleurs des champs, si nombreux l’été. Ainsi en 1558, où « l’été fut fort chaud et adonné à sécheresse », jusqu’à l’arrivée des orages. Pendant les jours caniculaires, il fit si chaud dans les plaines du Bassin parisien que les soyeurs, les moissonneurs qui « sciaient » ou « soyaient » alors le blé à la faucille dentelée, mouraient de soif et de mort subite parmi les champs.

Témoin oculaire de Provins, le chanoine Claude Haton rapporte qu’il en mourut sept ou huit tout autour. Le bruit courait qu’il en était de même dans les campagnes de la Brie du nord de l’Île-de-France et de la Picardie. Mais bien vite, les orages firent revenir la pluie et le reste de l’année fut propice à l’agriculture. « Bien tempéré », l’automne donna des vendanges abondantes. Les semailles furent bonnes. Toute l’année, les vivres restèrent à bon marché : « Par toute la France n’étaient que jeux, noces, fêtes, danses et ébattements par les villes et villages. »

Un siècle et demi plus tard, en 1707, la canicule estivale est plus sévère. En juillet, les hommes meurent d’insolation dans la moitié nord de la France. En Alsace, au cours de la moisson, neuf personnes succombent dans les champs, victimes des ardeurs du soleil, à Gottesheim et Wickersheim. Les 13, 14 et 15 juillet, à Neuvy-en-Dunois (Eure-et-Loir), la chaleur est si violente qu’on enterre dans la campagne des moissonneurs qui n’avaient pu supporter « la violence du soleil ».

Le 19 juillet, à Saint-Lambert-du-Latay (Maine-et-Loire), « la température atteint le dernier degré », ce qui causa en bien des endroits des morts subites. « Il mourut ce jour-là quantité de personnes, les unes en sciant [moissonnant] du blé, les autres en battant, et quantité de bestiaux. » Le 21 juillet, à Chasseneuil (Vienne), on enterre un autre homme abattu hier par « l’excès de la chaleur ». Le même jour, à Varennes-sous-Montsoreau (Maine-et-Loire), le curé enterre un inconnu découvert sous un arbre, « mort à cause des grandes chaleurs, comme beaucoup d’autres dans les paroisses voisines ».

Il en va de même en Normandie où l’on interdit de travailler aux pires heures de la canicule. À Courseulles (Calvados) : « L’an [1707], au mois de juillet, pendant trois jours, il se fit une chaleur si extrême que le soleil semblait avoir quitté sa route ordinaire pour s’approcher de nous, qu’il nous fit ressentir les ardeurs de la brûlante Afrique ; et la terre, de concert avec lui, poussa des vapeurs suffocantes qui firent mourir plusieurs personnes, dont trois dans la prairie de Caen ; ce qui fit que les juges de police défendirent aux moissonneurs de travailler pendant cette chaleur depuis 10 heures du matin jusqu’à 2 heures de l’après-midi. »

La sécheresse tarissant les puits provoque la dysenterie, à partir du 14 août. Alors les mortalités étaient encore plus redoutables, emportant notamment les plus jeunes, gros consommateurs d’eaux polluées.