Après la création de l’École nationale des eaux-et-forêts, le gouvernement de Charles X entend protéger les forêts pour répondre aux besoins publics, à commencer par ceux de la Marine et des Ponts-et-Chaussées. Il promulgue donc le 21 mai 1827 un code forestier qui, pour les communautés rurales, aggrave considérablement l’ordonnance de Colbert de 1669. La mise en tutelle des ressources forestières des villageois est programmée. Ce coup de tonnerre frappe de plein fouet les usages collectifs.
La restriction draconienne de l’entrée en forêt des « chèvres, brebis et moutons » compromet directement la survie des plus pauvres. L’élévation des frais de gestion, liés au salaire des gardes (et à l’interdiction de la garde familiale), à l’équipement de clochettes et à la tarification des amendes touche l’ensemble des villageois. Seule consolation : un délai de deux ans est prévu pour l’application de la réforme. C’est reculer pour mieux faire sauter le mécontentement populaire.
Depuis le printemps 1829, la mise en application du code forestier suscite une révolte dans les forêts royales de la montagne ariégeoise, de Saint-Lary et Buzan à Castillon et Moulis. Des hommes armés et déguisés avec des jupons – les « Demoiselles » – expulsent les charbonniers et pourchassent les gardes forestiers, qui deviennent des cibles privilégiées pour les émeutiers.
Dans le Couserans, la petite commune de Buzan donne lieu à deux avertissements : « 29 novembre 1829. Messieurs les charbonniers, Si vous ne quittez pas de suite de coupe davantage, dans un jour vous serez attaqués par les Demoiselles, ça ne sera pas comme par ci-devant, je ne vous dis pas autre chose, vos heures sont comptées. »
Messieurs les charbonniers, dans un jour vous serez attaqués par les Demoiselles
Pour qualifier les révoltés, l’expression de « demoiselles » apparaît dès le 4 septembre 1829, dans un rapport de gendarmerie. En 1830, Galy-Gasparrou, notaire et adjoint au maire de Massat (Ariège), vient préciser l’accoutrement de quatre chefs de ces « Demoiselles » qui étaient arrivées en ordre de bataille sur la place de sa commune le 27 janvier.
« Le chef avec qui je parlai le premier était d’une taille très élevée, portait un jupon par-dessus son pantalon de bure grise, avait une peau de mouton sur la tête, qui lui recouvrait la figure et où il avait fait trois ouvertures pour y voir et respirer ; il portait un sabre de cavalerie légère. Un autre, armé d’une hache, était recouvert d’une chemise resserrée par une ceinture rouge où était attaché un pistolet d’arçon ; il avait la figure barbouillée de noir avec des poils de cochon implantés principalement sur les sourcils et la lèvre supérieure ; il était coiffé d’un vieux shako.
Un troisième, de semblable taille que ce dernier, portait également une chemise par-dessus ses vêtements, avait la figure peinte de diverses couleurs et un mouchoir rouge à la tête en forme de turban. Le dernier des chefs était armé d’une petite hache, recouvert d’une chemise, coiffé d’un petit chapeau à trois cornes et avait la figure enveloppée d’un bonnet de laine où il avait fait trois trous pour voir et respirer. » Les insurgés sont donc bien caractérisés par leur accoutrement. Mais il faut attendre le 2 mai 1857 pour rencontrer dans le journal L’Ariégeois, l’expression de « guerre des Demoiselles ».