Alors que les agriculteurs ont exprimé ces derniers mois leurs difficultés à vivre de leur métier et que le pouvoir d’achat des Français s’est réduit avec l’inflation, l’équation se révèle complexe. Si l’offre alimentaire à « bas prix » (1) gagne du terrain dans la consommation des ménages français, le mouvement est à contrecourant de la stratégie française de différenciation dans les rayons de la grande distribution basée sur la « concurrence qualité ». C’est ce qu’observe le Conseil génération de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) dans un rapport publié le 15 juillet 2024.
Risque d’éviction des produits agricoles français
Ses autrices pointent du doigt « les faiblesses structurelles des industries agroalimentaires et de la production agricole dans le domaine de la concurrence prix ». Elles alertent également « sur les menaces, de plus en plus palpables, d’éviction de la matière première agricole française dans l’offre alimentaire à bas prix ». Les industries agroalimentaires françaises commencent ainsi à s’ouvrir à l’approvisionnement de produits provenant de l’Union européenne mais également de l’extérieur, constate le CGAAER. Un risque d’éviction des produits agricoles français accru avec l’afflux de produits importés de l’Ukraine.
Lancer en urgence une politique industrielle
Le CGAAER explique cette perte de compétitivité prix par plusieurs « faiblesses structurelles » parmi lesquelles « la taille des industries françaises inadaptée à la concurrence prix fondée sur la recherche d’économies d’échelle ».
Les autrices du rapport recommandent ainsi au gouvernement de « lancer en urgence une politique industrielle interministérielle intégrant le ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire visant à promouvoir la diversité de l’offre alimentaire depuis les premiers prix jusqu’au haut de gamme ». Cette politique devrait permettre de « faciliter l’agrandissement des entreprises et la création de grosses PME ou ETI » dans le secteur de l’agroalimentaire. Une stratégie permettant « la modernisation et l’automatisation des équipements industriels » pour atteindre les économies d’échelle nécessaires.
Selon le CGAAER, il n’est pas question d’abandonner le haut de gamme mais de proposer une gamme de produits « à prix accessibles » tout en valorisant une différenciation de la qualité aux yeux des consommateurs basée sur l’origine nationale ou locale de la matière première agricole.
(1) Le CGAAER retient comme « offre à bas prix » l’offre alimentaire qui « présente un indice prix inférieur à 65 par rapport à un indice 100 égal à la moyenne des prix pratiqués pour un type de produit ». Cette offre rassemble concrètement par ordre de prix les marques économiques de distributeur, les marques blanches (marque ponctuelle sans marketing dédié), les marques d’établissement distribuant des marques propres (comme chez Lidl et Aldi par exemple) et les marques de distributeur de milieu de gamme.