Le rapporteur de la loi visant à sécuriser l'approvisionnement des Français en produits de grande consommation, le député Frédéric Descrozaille (Renaissance), a largement défendu le texte devant ses collègues de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, le 11 janvier 2023. "Ce n’est pas une loi contre ce modèle économique [de la grande distribution] car la grande distribution est encore une courroie de distribution efficace des gains de productivité de l’amont au bénéfice des consommateurs. Nous avons tous largement bénéficié de ce modèle économique", a souligné le député Renaissance.
En séance publique le 16 janvier
Vivement critiquée par plusieurs acteurs de la grande distribution, la proposition de loi doit être examinée, ce lundi 16 janvier 2023, en séance publique à l'Assemblée nationale. Le président du comité stratégique des magasins Leclerc, Michel-Edouard Leclerc, estime que ce texte est "inflationniste" et qu'il donne "tout pouvoir aux industriels" dans les négociations commerciales annuelles.
Il critique notamment l'article 3 de la loi qui prévoit, en cas d'échec des négociations au 1er mars, de laisser un délai d'un mois aux parties pour trouver un accord, avec l'aide du médiateur. S'ils n'y arrivent pas, "toute commande effectuée par le distributeur se fait sur la base des conditions générales de vente en vigueur, y compris le barème des prix unitaires".
"Unis de manière inédite", Auchan, Carrefour, le groupe Casino, Monoprix, Franprix, Cora, Leclerc, Intermarché, Lidl, Netto et Système U, ont dénoncé, le 16 janvier 2023, "une proposition qui vise en réalité à empêcher la négociation commerciale au profit des très grands industriels, et qui va dramatiquement et durablement alimenter l’inflation".
Les enseignes ont d’ailleurs boycotté le comité de suivi des relations commerciales qui s’est tenu ce 16 janvier, selon la FNSEA et JA, qui déplorent leur attitude. Les deux syndicats estiment que les distributeurs refusent d’admettre que toutes les charges ont augmenté, "celles des producteurs agricoles de 35 % sur deux ans (Ipampa, Insee) et dans les mêmes proportions pour les industries agroalimentaires".
Les deux syndicats rappellent que la France est un des pays européens où l’inflation sur les produits alimentaires est la plus basse en 2022. Selon Eurostat (indice d’inflation harmonisé – IPCH alimentation comparaison entre novembre 2021 et novembre 2022), les prix alimentaires ont progressé en moyenne de 17,9 % dans l’Union à 28, de 13 % en France, de 15,3 % en Espagne et de 19,7 % en Allemagne.
Trois ans de plus
"L’échec de la négociation commerciale dans l’interprétation actuelle du droit est à la défaveur du fournisseur. Ce que je propose, c’est juste de rééquilibrer ce rapport de force", assure Frédéric Descrozaille. Le député du Val-de-Marne estime que cet article permettrait d'inciter les parties à trouver un accord.
L'article 2 du texte prévoit de prolonger l'expérimentation de l'encadrement en volume et en valeur des promotions (au maximum 34 %) et de l'application d'un "seuil de revente à perte (SRP) + 10 %" sur les produits alimentaires. Ce qui oblige les distributeurs à vendre a minima à 110 € un produit acheté à 100 €.
Si l'intérêt de prolonger le dispositif d'encadrement des promotions jusqu'en 2026 a fait plutôt l'unanimité au sein de la commission des affaires économiques, celui de prolonger l'expérimentation du "seuil de revente à perte + 10 %" a fait débat entre les députés. La proposition de loi prévoit, dans son article 2 bis, "un contrôle annuel démontrant que la valeur qui en est issue est répartie équitablement entre les différents acteurs de la filière".
Plusieurs députés ont demandé des garanties sur la mise en œuvre d'une évaluation du dispositif qui devra déterminer quelle utilisation a été faite de la "marge supplémentaire" crée par la mise en œuvre de cette mesure. Frédéric Descrozaille a proposé que l'Assemblée nationale approfondisse cette question dans le cadre du groupe d'étude "grande consommation et distribution" qui vient d'être créé dont l'objet est de suivre des questions spécifiques. Gageons que les débats ne manqueront pas d'être nourris en séance publique, ce lundi 16 janvier.