« À la suite de notre travail nous constatons une judiciarisation des procédures, une judiciarisation des contrôles dans les exploitations agricoles, liés principalement à la question du droit de l’environnement », dénonce la députée Anne-Laure Blin (LR), co-rapporteure avec le député Eric Martineau (Modem). Les deux députés ont présenté ce 11 octobre 2023 devant la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, les conclusions de la mission d’information sur les contrôles opérés dans les exploitations ouverte en avril 2023.

Des procédures pénales qui font peur

La députée du Maine-et-Loire met en avant « la technicité » des procédures pénales ouvertes dans le cadre de contrôles liés au droit de l’environnement qui est très difficile à appréhender pour les agriculteurs. « Le monde judiciaire rentre dans le suivi du traitement du contrôle et tout l’arsenal pénal est déployé, avec l’ensemble des sanctions afférentes, l’ensemble de la procédure, notamment des auditions en gendarmerie, des prises d’empreintes et des sanctions pénales qui peuvent parfois aller jusqu’à de l’emprisonnement », explique Anne-Laure Blin.

«La technicité des dispositifs nécessite qu’on rééquilibre le rapport administration agriculteur », alerte-t-elle. Par ailleurs, la Pac reconnaît pour la première fois cette année le droit à l’erreur pour les agriculteurs. Pour les contrôles qui ne relèvent pas de la Pac, la loi Essoc de 2018 qui instaure le droit à l’erreur dans les relations avec l’administration française ne peut s’appliquer aux agriculteurs, regrette la députée.

Pas de remise en question des contrôles

« Il n’est nulle question de remettre en cause les contrôles, ils sont nécessaires et d’ailleurs les agriculteurs le disent, mais il faut que les relations soient assainies entre les opérateurs de contrôle et le monde rural et le monde de l’agriculture », poursuit la députée.

Cette dernière relève que le cadre normatif français est très complexe et « met notre souveraineté alimentaire en difficulté». Elle en veut pour preuve que « 60 % des agriculteurs s’en remettent à des organismes de prestations services pour remplir leurs obligations réglementaires, et pour faire l’ensemble des démarches, compléter l’ensemble des dossiers qui leur sont imposés ».

Systématiser l’accompagnement par un tiers

Le rapport des deux députés formule 19 recommandations. « C’est un travail de 6 mois, d’auditions et de terrain, pour comprendre la manière dont sont opérés les contrôles sur les exploitations agricoles », détaille Anne-Laure Blin. La mission propose, par exemple, de systématiser l’accompagnement par un tiers, conseil, membre des organisations professionnelles, conseillers de chambre d’agriculture, lors des contrôles. Lors des auditions, la députée explique que plusieurs parties prenantes ont rapporté que souvent les agriculteurs contrôlés « ne savent pas ce qu’on va leur reprocher, ne savent pas ce qu’ils peuvent dire ou faire, et ne connaissent pas leurs droits ». « Ils doivent être en mesure d’être accompagnés par un tiers », estime la députée.

Le rapport recommande notamment d’adapter les conditions du port de l’arme de service des agents de l’Office français de la biodiversité (OFB). Deux possibilités sont mises sur la table : une dérogation à l'obligation du port lors des contrôles sur les exploitations ou l'utilisation d'un dispositif "permettant le port discret". Les députés proposent également de limiter le recours aux contractuels pour l’accomplissement des contrôles sur place ou encore d’instaurer dans la formation agricole et le parcours à l’installation des modules de formations consacrés au déroulement et aux enjeux des contrôles.

Un message politique clair nécessaire

Mais plus encore, Anne-Laure Blin et Eric Martineau veulent « amorcer une prise de conscience » car ils estiment que le message politique donné aux agriculteurs par le gouvernement, « n’est pas toujours clair ». « Au-delà des modifications législatives, c’est une question de volonté politique de défendre nos filières, notre agriculture française », estime Anne-Laure Blin.