L’histoire

Yvon exploitait des parcelles de céréales en Sologne. Elles étaient situées à proximité d’un bois parcouru la nuit par des hordes de sangliers. À la suite de dégâts causés par ces animaux aux cultures et récoltes d’Yvon, la fédération départementale des chasseurs avait mis en place des clôtures pour les protéger. Estimant que celles-ci étaient insuffisantes, Yvon avait obtenu du juge des référés la désignation d’un expert en vue de déterminer si les clôtures étaient adaptées et de préciser les travaux supplémentaires à réaliser. L’expert s’était rendu sur les lieux et avait préconisé la pose d’une clôture grillagée sur plusieurs centaines de mètres, en vue de séparer les parcelles du bois mitoyen.

Le contentieux

Yvon avait, alors, assigné la fédération devant le tribunal judiciaire en vue d’obtenir sa condamnation à prendre en charge les travaux préconisés par l’expert et à lui verser une provision à valoir sur la réparation de ses préjudices. Yvon avait fondé sa demande sur les articles 1241 du code civil et L. 462-5 du code de l’environnement. Le premier texte pose un principe général de responsabilité. Chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence. Quant au second, il dispose que la fédération prend à sa charge les dépenses liées à l’indemnisation et à la prévention des dégâts de grand gibier.

Pour autant, en cas de dégâts causés aux récoltes par le grand gibier, la fédération des chasseurs est-elle tenue de prendre en charge le coût des mesures de prévention mises en place par les exploitants ? Pour Yvon, une réponse affirmative s’imposait. La fédération devait prendre en charge le coût des piquets et de la pose des clôtures, car il s’agissait de frais en lien direct avec les dégâts causés aux récoltes.

La fédération avait une tout autre interprétation. L’indemnisation qu’elle pouvait être contrainte de verser à l’exploitant ne pouvait concerner selon elle que la réparation des seuls dégâts causés aux cultures et aux récoltes agricoles causés par les sangliers.

Les juges avaient pourtant accueilli la demande d’Yvon. L’article L. 462-5 du code de l’environnement ne pouvait être interprété que comme instaurant l’obligation de financer les travaux de prévention nécessaires et, tout au plus, il appartenait à l’exploitant de démontrer la nécessité d’une action de prévention des dégâts causés par le grand gibier.

Pour la Cour de cassation saisie par la fédération départementale, cette interprétation était excessive. L’article L. 426- 5 ci-dessus consacre un principe général de prise en charge par les fédérations de chasseurs des mesures de prévention des dégâts causés par le grand gibier, mais il ne comporte aucune disposition ouvrant droit à la prise en charge par ces dernières du coût des mesures de prévention des dommages susceptibles d’affecter son exploitation.

L’épilogue

La censure de l’arrêt d’appel s’est imposée. Yvon devra financer, à ses frais, les travaux de pose de la clôture séparant ses parcelles du bois mitoyen. Notons à cette occasion que la charge financière qui pèse sur les fédérations de chasseurs est si lourde que la Fédération Nationale a saisi le Conseil Constitutionnel en reprochant au système d’indemnisation de méconnaître le principe d’égalité devant la charge publique. Mais le Conseil Constitutionnel a confirmé que le système d’indemnisation prévu par la loi était conforme à la constitution.