Depuis la réunification du pays, l’ancienne République démocratique allemande est devenue le terrain de jeu privilégié de gros investisseurs. Et les terres agricoles, naguère propriété de l’État, ont été prises d’assaut, à des fins de placement.
Les chiffres de l’agence fédérale, BVVG, chargée de vendre le foncier des fermes d’État héritées de l’époque de la RDA, en témoignent : seulement 2 % des terres cédées rassemblent des exploitations de moins de 100 hectares (ha). Et les 98 % restants sont entre les mains d’industriels issus de tout secteur et tournés, en priorité, vers l’exportation et la production de biogaz. Mais parmi les holdings, la plus importante, la KTG Agrar, vient de faire faillite. Un séisme.
Démesure
En 2008, la KTG Agrar s’étendait sur 25 000 ha, en 2012, 35 000 ha, et, en juillet 2016, elle exploitait 46 000 ha de terres situées en ex-Allemagne de l’Est (31 500 ha), en Lituanie et en Roumanie. Elle produisait alors des céréales, des pommes de terre, du maïs, du soja et du colza, aussi bien en conventionnel qu’en bio, mais aussi du biogaz. Dix mille particuliers, de tous horizons, s’étaient laissés convaincre par le patron du groupe, l’Allemand Siegfried Hofreiter, d’investir dans la société. Son ex-femme détenait, par ailleurs, 38 % des parts du groupe. Seulement, en juillet 2016, à la suite de nombreux impayés, la KTG Agrar est placée en liquidation judiciaire.
« La KTG n’a jamais vraiment fait de profit, ses frais de financement étaient bien trop élevés, explique le liquidateur judiciaire, Stefan Denkhaus. Hofreiter dominait tout. Il y avait à la KTG, une concentration des pouvoirs inhabituelle pour une société cotée en Bourse. » L’ex-patron est aujourd’hui poursuivi pour insolvabilité et détournement de fonds.
Comble de l’affaire : en septembre 2016, 94 % des terres allemandes de la KTG Agrar ont été rachetées par la Deutsche Agrar Holding (DAH). Cette nouvelle holding, filiale de la fondation Gustav Zech basée au Liechtenstein et spécialisée dans la construction, a été créée seulement deux mois après la faillite de la KTG Agrar.
Sans les exploitants
Les agriculteurs locaux n’ont pu avoir voix au chapitre. Et pour cause : avec l’arrivée des nouveaux investisseurs, le prix des terres est passé dans la région de 2 776 € en 2006 à plus de 10 000 € en 2016. Pour Reinhard Jung, président de l’Union des agriculteurs du Brandebourg, la loi sur la régulation du marché du foncier est à changer, afin que les terres ne soient attribuées qu’à des personnes physiques. « Nous avons besoin d’agriculteurs qui résident ici et travaillent sur place, poursuit-il. Nous ne voulons pas d’investisseurs, qui ne connaissent rien à l’agriculture et ne viennent sur leurs terres que deux fois par an. » Seulement 400 des 1 000 employés de la KTG Agrar ont été repris par DAH.