« Alors que seules les plus grandes installations d’élevage de l’Union européenne (UE) étaient concernées par le champ d’application de cette directive (1) au cours de la dernière décennie, la révision propose de multiplier presque par dix le nombre d’exploitations bovines, porcines et avicoles concernées par cette directive », réagit le Copa-Cogeca dans un communiqué publié le 6 avril 2022.

 

Selon la FNSEA, « un élevage bovin français de 100 vaches sur 120 hectares », une exploitation de « 500 porcs », ou encore une ferme de volailles comportant « deux poulaillers de 1 200 m2 » entreraient dans le cadre de cette réglementation et se verraient ainsi imposer des « normes de charges et des contraintes bureaucratiques » supplémentaires.

Une « avalanche d’exigences » à venir

D’après la Commission européenne, près de 13 % des exploitations agricoles européennes seraient couvertes par le champ d’application de la nouvelle directive. « C’est une façon intelligente mais trompeuse de présenter les choses », s’insurge le Copa-Cogeca.

 

« En Allemagne et en Finlande, plus de 90 % de la production de poulets de chair sera considérée comme émanant “d’installations agro-industrielles” », poursuit l’organisation. En France, « la même proportion » de production porcine, bovine et laitière sera également considérée comme des fermes-usines.

 

Sur les réseaux sociaux, les réactions des éleveurs fusent. S’adressant à la Commission européenne, ces derniers partagent tour à tour des photos de leurs exploitations jugées « industrielles ».

 

Éleveuses et Éleveurs de France !

Vous aussi dénoncez vos pratiques polluantes sous ce tweet avec une photo de votre ferme usine !

Ceci afin de faciliter le travail de la @EU_Commission qui rêve d'un monde débarrassé de votre pollution https://t.co/MlzLiKEY8g

— Alexandre Carré (@alexcarre49) April 7, 2022

Nelle aree della dorsale appenninica sono diffusi sistemi di #AllevamentoEstensivo stagionale al #pascolo di #bovini da #carne e di ovini, pochi di #caprini e di #equini. Con buona pace di chi associa gli #allevamenti alle #industrie.https://t.co/RegsX4VUmi pic.twitter.com/mQVDwL8D5z

— Carni Sostenibili (@SostenCarni) April 8, 2022

Ce seuil « arbitraire » de 150 unités de gros bétail est « choquant et témoigne d’une réelle déconnexion avec les réalités agricoles sur le terrain », estiment les organisations et coopératives agricoles de l’Union européenne. Comment les exploitations d’élevage familiales vont-elles faire face à cette avalanche d’exigences que la Commission souhaite imposer ? », interroge le président de la Cogeca, Ramon Armengol.

« Revenir au bon sens »

« Au même moment, on laisse entrer en Europe des viandes d’élevages utilisant des antibiotiques de croissance dans des fermes sud-américaines à 10 000 vaches. C’est une aberration », s’est indigné Julien Denormandie, le ministre de l’Agriculture, après une réunion avec ses homologues européens jeudi 7 avril.

 

La proposition doit être soumise aux États et eurodéputés. « Plusieurs États membres ont fait état de leurs réserves avec la même force que la France », a-t-il affirmé.

 

@J_Denormandie⁩ rappelle l’urgence de remettre du bon sens dans les politiques de l’UE, pour réussir les transitions.

S’attaquer à l’élevage industriel avec bon sens, c’est commencer par imposer une réciprocité des normes à nos partenaires commerciaux.#MesuresMiroir pic.twitter.com/XiqDypPHE6

— FNB (@EleveursBovins) April 8, 2022

Le commissaire à l’Agriculture, Janusz Wojciechowski, a fait valoir jeudi que le texte avait déjà été assoupli, puisque l’exécutif européen envisageait initialement de proposer son application pour les exploitations à partir de 100 « unités de gros bétail », seuil encore plus bas que celui finalement retenu.

 

« Nous devons en discuter. Ce n’est pas seulement la taille d’un élevage qui détermine si une exploitation est “industrielle” : parfois, un petit nombre d’animaux peuvent subir des conditions d’élevage intensif, et parfois, on a un grand nombre d’animaux dans des pâturages d’élevages en plein air », a reconnu le commissaire.

 

De leur côté, la FNSEA et plusieurs fédérations spécialisées (2) comptent « sur le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne, appelés à se prononcer sur cette proposition de révision, pour revenir au bon sens et s’opposer ».

(1) Pour rappel, la directive 2010/75/UE relative aux émissions industrielles (IED) permet de contrôler de manière intégrée, secteur par secteur, les incidences sur l’environnement d’environ 52 000 installations industrielles et exploitations d’élevage à grande échelle et à haut risque de pollution (ci-après dénommées « installations agro-industrielles ») en Europe.

(2) Fédération nationale porcine (FNP), Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL), Confédération française de l’aviculture (CFA), Fédération nationale bovine (FNB).