Malgré la succession des plans Protéines, l’élevage français reste dépendant des importations de tourteaux en tout genre, et les protéines végétales peinent à se faire une place dans les assiettes des consommateurs. Seuls 2,4 % des Français se déclarent végétariens, et 0,3 % végans.
Pourtant, « l’apport conjoint de céréales et de légumineuses permet de couvrir les besoins en protéines et de subvenir à ceux de la santé », a rappelé le sénateur Arnaud Bazin lors de la présentation du rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) sur les protéines, ce mercredi 11 juin 2025 au Sénat (Paris). Pourquoi les végétaux peinent-ils tant à se faire une place dans nos assiettes ?
Un combat perdu d’avance
Premier constat : même si la consommation de viande diminue au cours du temps, la viande et les produits laitiers sont toujours considérés comme des aliments nobles. « Bien que le prix et l’impact sur la santé et l’environnement soit favorable aux légumineuses et aux autres produits végétaux, l’affichage, la disponibilité des produits en magasin, les modes de préparation ou encore le goût favorise la viande dans la composition des assiettes », déclare Philippe Bolo, député rapporteur.
Autre constat : l’avancée de la production de protéine alternative (insectes, fermentation de précision, culture cellulaire, algues…) ne parvient pas à s’imposer dans nos habitudes et à franchir le cap de l’industrialisation. Ces produits restent pour l’heure un simple complément aux protéines animales, plutôt qu’un véritable substitut.
Leur commercialisation en Europe est également freinée par des contraintes réglementaires strictes. Toute mise sur le marché doit être validée par la Commission européenne, après une évaluation de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa), dans le cadre du processus « Novel Food ». À cela s’ajoute une incertitude sur l’acceptation par les consommateurs qui freine les investissements des industriels.
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Quelques recommandations pour le modèle protéique
À l’issue du rapport, les parlementaires formulent une série de propositions pour adapter notre système alimentaire aux enjeux écologiques et économiques. Parmi elles : soutenir le développement des protéines alternatives, encourager la production de légumineuses, longtemps négligée et encore mal adaptée aux aléas climatiques.
« Il faut aussi fixer un objectif d’autonomie protéique pour l’élevage français. On importe beaucoup, ce qui déséquilibre notre balance commerciale. Les élevages de ruminants ne sont autonomes en protéines qu’à hauteur de 75 % et l’ensemble des productions animales à moins de 50 %. Ils dépendent encore largement des importations de tourteaux de soja, de colza ou de tournesol », souligne Philippe Bolo.
Le rapport plaide également pour une meilleure information du public sur les différentes sources de protéines, un soutien aux offres alimentaires diversifiées, ainsi qu’un discours plus nuancé sur la consommation de viande. D’autres pistes sont évoquées, comme la promotion de la fermentation de précision, la valorisation du savoir-faire acquis dans la production d’insectes, ou encore l’amélioration des données sur l’impact environnemental réel des aliments.
« Il va maintenant falloir comprendre les échecs successifs des plans Protéines pour que le Parlement s’associe pleinement à ces questionnements et s’empare de cette problématique », estime Arnaud Bazin. « La première étape sera de mener des actions concrètes en France, pour pouvoir ensuite les porter au niveau européen », ajoute Philippe Bolo.