Combien coûterait la préservation des capitaux naturels et humains sur une ferme laitière ? C’est à cette question que répond une approche comptable de l’agroécologie (1), la Comptabilité écologique, un projet piloté par la FNCuma (Fédération nationale des coopératives d’utilisation du matériel agricole) et accompagné par l’association Fermes d’Avenir.

Cette approche comptable « permet de s’intéresser au chiffrage des pratiques agroécologiques », explique Hélène Calandot, directrice du pôle sensibilisation de Fermes d’Avenir. « L’agroécologie, c’est l’agriculture qui permet de nourrir les gens en quantité et en qualité, de rémunérer les agriculteurs avec des conditions de travail dignes pour les salariés, tout en préservant l’environnement ».

Superposition des pratiques

Sur un échantillon de dix fermes laitières diagnostiquées en Ille-et-Vilaine, les coûts de préservation des capitaux naturels (eau, sol, air, biodiversité…) et humains (bonne rémunération, sécurité au travail, formations…) s’échelonnent entre 81 000 € et 280 000 € selon le mode de culture mis en place.

Cinq fermes conventionnelles et cinq fermes biologiques ont été auditées (entre 32 et 210 ha) en 2023. Les exploitations financent déjà une partie de ces sommes via des « actions vertueuses » identifiées par l’audit. La réalisation de « l’entièreté des actions de préservation nécessaires au respect des bons états écologiques nécessiterait un investissement supplémentaire situé entre 4 000 € et 158 000 € par ferme », explique Fermes d’Avenir dans un communiqué du 17 février 2025.

Par exemple, installer des couverts végétaux sur 60 hectares aurait un coût moyen (prix des semis moins les opérations évitées) de 3 200 € par an pour. Bandes enherbées, haies, couverts végétaux, réduction des phytos… « Quand on commence à superposer les pratiques, ça commence à faire de l’argent ! » s’exclame Hélène Calandot.

Coût élevé des capitaux humains

Constat important, dans la plupart des fermes suivies, il ne manque que quelques milliers d’euros « pour une préservation de 100 % des capitaux naturels ». C’est la préservation des capitaux humains et notamment la bonne rémunération des éleveurs qui fait grimper le compteur de la « dette écologique des fermes ». Des capitaux humains « préservés » supposeraient que les exploitants perçoivent deux Smic, ou encore aient des conditions de sécurité au travail idéales.

Bilan des courses, « la comptabilité écologique est intéressante car elle permet de chiffrer les efforts financiers à fournir pour préserver la nature », explique Hélène Calandot. Mais « ces efforts entraîneraient un déficit du modèle économique des fermes ».

Partager les coûts

Pour y remédier, Hélène Calandot propose néanmoins des solutions. « Aujourd’hui, ce sont 19 milliards d’euros d’argent public qui partent dans l’atténuation des impacts négatifs comme la pollution des eaux, ou les problèmes de santé, selon une étude du Basic (2) ».

Au lieu d’un financement curatif, Fermes d’Avenir propose de basculer l’argent public sur le financement « des pratiques vertueuses qui préservent les capitaux ». C’est à la défense de ce plaidoyer que doit servir la comptabilité écologique.

« L’agriculture, c’est notre bien commun à tous : il est normal que les coûts soient partagés par les gens impliqués : les agriculteurs, mais aussi les dépenses publiques, les filières agroalimentaires et les consommateurs ».

(1) Basée sur le modèle Care de la chaire comptabilité écologique d’AgroParisTech appliqué à l’agriculture. (2) Bureau d’analyse sociétale d’intérêt collectif.