« Si nous ne faisons rien, les OP vont couler ! » Autour de la table, une quarantaine d’éleveurs laitiers, présidents d’organisations de producteurs (OP) ou simples adhérents font le point, à l’occasion des assises de la FNPL (Fédération nationale des producteurs de lait) au Puy-en-Velay, le 11 décembre 2024. L’ordre du jour, « comment le syndicalisme peut accompagner les organisations de producteurs ? ».

Un constat partagé

Pour lancer le débat, les modèles suisse ou encore québécois sont présentés au groupe. Si les détails diffèrent dans chaque pays, le constat est le même. Là-bas, les organisations de producteurs ont la main sur les volumes, la collecte et la vente du lait. Un modèle similaire existe plus proche de nous. Michel Rohrbach, éleveur en Alsace et président de l’Oplase, Organisation des producteurs de lait Seine et Est, explique.

En 2022, dans un contexte « très tendu » avec Eurial, l’OP décide de créer une société anonyme, l’Oplase SA. C’est aujourd’hui cette société qui vend le lait à trois clients, Eurial, Savencia et une usine belge. La société maîtrise les volumes, la collecte, et se charge de payer les éleveurs. Elle emploie trois temps partiels. « Nous brassons un chiffre d’affaires de 60 millions d’euros par an », explique Michel Rohrbach. Et d’admettre : « Ce n’est pas simple. »

« Nous pouvons vendre ailleurs »

Eurial, la coopérative qui collecte la majorité des éleveurs de l’OP, s’est engagée sur un volume et sur la collecte de lait. À l’inverse, l’Oplase peut décider de vendre ailleurs ponctuellement. « Si nous trouvons meilleurs acheteurs, nous faisons partir des camions chez eux », commente le président de l’OP.

In fine, les producteurs ne vendent « jamais en dessous du prix d’Eurial et sont en moyenne 15 à 18 € au-dessus ». Bilan des courses, Michel Rohrbach trouve que « les échanges avec les industriels sont beaucoup plus constructifs, et l’ambiance entre éleveurs meilleure ».

Le cas de l’Oplase fait réagir la salle. Ghislain de Viron, vice-président de la FNPL, pose le cadre : « Le plus important si nous voulons avancer, c’est la maîtrise des volumes. » Et qui dit maîtrise des volumes dit transfert de propriété aux OP, impliquant de passer sur des contrats collectifs.

Ludovic Blin pousse la réflexion. « Que pensez-vous d’une OP territoriale avec un seul négociateur pour vendre à un transformateur ? » La question agite la salle, sans consensus. Christian Mochet, éleveur dans l'Ille-et-Vilaine, est sur la réserve. « Il ne faut pas monter des usines à gaz, avec des coûts qui pourraient nous retomber dessus ! Cela demanderait aussi de gérer du personnel. »

Fidéliser les producteurs

Au-delà de la nécessité de maîtriser les volumes, un deuxième constat interpelle. « Les éleveurs sont trop attachés à livrer à tel ou tel industriel, comme Lactalis ou Danone. Nous avons besoin que ce soit l’OP qui rassemble. Aujourd’hui, le sentiment d’appartenance aux OP est faible », constate Pascal Nizan, président de la section laitière de la FRSEA Ouest.

Loïc Adam, président de France OP Lait, résume la situation : « Il est compliqué d’avoir une vision commune, une stratégie à l’intérieur d’une OP. Mais quand ça fonctionne, ça peut renverser la tendance. Il faut trouver un nouveau souffle, nous sommes à un tournant pour les OP. »